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Le Chant des sorcières tome 3

Le Chant des sorcières tome 3

Titel: Le Chant des sorcières tome 3 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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aux revendications de mon frère ? Tu serais la première à t'en plaindre.
    — C'est vrai, lui concéda Mounia.
    Il l'embrassa. Chaque jour qui passait le rendait plus épris d'elle. Mounia était unique et il la traitait comme telle. Contre toute coutume, elle n'avait pas encore mis les pieds dans le harem. La mère de Bayezid même, qui le régissait, était venue se plaindre de la rumeur qui enflait à son sujet. Bayezid l'avait renvoyée en lui affirmant que l'épouse de son frère Djem recevait le traitement qu'elle méritait. Nul doute qu'avec cette grossesse Mounia deviendrait la cible de ces femmes grugées et délaissées. Pour autant, elle ne pouvait davantage dissimuler son état. Elle planta son regard doré dans le sien, d'ébène.
    — Donnerais-tu les Hautes Terres à notre fils si je les découvrais ?
    Il tiqua avant d'éclater de rire à nouveau.
    — Voici ce que j'aime le plus chez toi, Mounia. Tu ne doutes de rien. Jamais.
    Elle s'accrocha plus fort à sa nuque.
    — Tu ne m'as pas répondu. T'engagerais-tu par écrit à le laisser régner ?
    Sa détermination le troubla. Il redevint sérieux.
    — Si c'est bien un fils que tu me donnes, je le ferai.
    Elle s'écarta de lui et lui tourna le dos pour suivre de l'index les tracés de cette carte énorme de proportions, comme les trois autres, aussi improbables, que Mustapha avait sorties de leurs cartouches, dénichés dans un vieux coffre aux ferrures rouillées.
    Depuis quinze jours que Mounia les étudiait chacune leur tour, son opinion était faite. Toutes représentaient le monde dans sa globalité et sa rotondité, toutes faisaient état d'un vaste continent à l'ouest, par-delà l'océan. Des créatures effrayantes étaient dessinées çà et là. Des monstres marins ou terrestres, des oiseaux au bec denté. Toutes s'exprimaient dans la même langue, celle, indéchiffrable, des Géants. Toutes avaient été étudiées au fil des siècles, par d'autres qui avaient laissé des annotations. En grec et en latin pour la plupart, mais aussi en chinois. Toutes ressemblaient à celle d'Aziz ben Salek, le père de Mounia, à l'exception de deux détails d'importance.
    Sur la carte de son père, le continent à l'ouest était rattaché à l'Occident par le nord. C'était sur cette bande de terre dont les autres ne faisaient pas état que se découpait l'emplacement des flacons pyramides. Preuve pour Mounia que la carte de son père était bien plus ancienne que celles-ci. Elles avaient sans doute été rédigées après le vol de la table de cristal et des flacons pyramides, par les descendants des Géants privés de retour, qui, comme Osiris, avaient parcouru le monde dans l'espoir de le changer.
    Bayezid vint, par-derrière, nouer ses bras autour de sa taille.
    — Cette question n'était pas anodine, n'est-ce pas ? susurra-t-il à son oreille.
    Mounia fixa ses yeux sur ce grand vide dans l'océan, entre les deux continents. La terre mentionnée sur la carte de son père s'était-elle morcelée avant de disparaître, engloutie par les flots, ou s'était-elle déplacée ? L'Irlande, l'Écosse ou l'Angleterre appelaient cette première hypothèse. La configuration actuelle plus massive des territoires du Grand Nord, la seconde. Mounia préféra garder ces réflexions pour elle, n'ayant aucune confiance en Bayezid, et immobilisa son index sur la ligne des terres qui barrait l'ouest.
    Penché au-dessus de son épaule, Bayezid écarquilla les yeux.
    — Cela ne ressemble pas à l'Asie, murmura-t-il.
    Mounia lui montra l'est de la carte.
    — L'Asie est ici.
    La pression contre son ventre s'accentua, fugacement. Bayezid avait compris.
    — Tu les as trouvées, trembla-t-il de convoitise. Les Hautes Terres…
    — Dont notre fils sera le roi…
    Bayezid ne répondit pas. Se détachant d'elle brusquement, il quitta la place à pas vifs.
    Mounia ne se retourna pas. Elle avait joué son atout sans trahir les siens. Restait à attendre, dans la souffrance, toujours aussi poignante, de leur absence, que Bayezid abatte son jeu.
    *
    Ce même 12 septembre de l'an de grâce 1484, Enguerrand de Sassenage découvrait pour la première fois le regard sombre de son infirmière en cette cité d'Héliopolis qu'il n'avait toujours pas quittée. Sa blessure guérie, elle avait cessé le matin même de lui administrer la décoction qui le maintenait dans un état profond de somnolence. Il ouvrit sur son visage voilé de grands yeux surpris.
    — Mounia…

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