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Le Chant des sorcières tome 3

Le Chant des sorcières tome 3

Titel: Le Chant des sorcières tome 3 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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subrepticement glissé autour de ses épaules pour l'empêcher de s'effondrer, aussi.
    C'est ainsi que Philippine de Sassenage quitta l'église sous les bravos et que Djem, puisant loin en ses ressources, se tourna vers le grand prieur d'Auvergne pour lui glisser en aparté :
    — Il faut que le sire de Montoison se sente bien coupable pour n'avoir pas trouvé le courage de s'opposer à cet hymen.
    — Et vous, prince ? lui demanda Guy de Blanchefort, affranchi par sa fuite des sentiments de son prisonnier.
    — Moi ?
    Djem eut la force d'un sourire.
    — Je suis heureux qu'il ne l'ait pas fait.
    *
    Le harem Homayoun se révélait d'une grande beauté avec ses bains de vapeur, ses salles de massages, ses fontaines et ses bassins sertis dans de petits jardins clos aux mille senteurs. La vie y était douce, sereine, les pensionnaires ne vivant que dans l'attente de l'ouverture de cette porte par laquelle Mounia était arrivée.
    Curieuses, les femmes de Bayezid s'étaient précipitées autour d'elle pour la voir de près, à l'exception d'une. Sa première épouse, Ihda, qui avait attendu que la Khanoum la présente. D'une beauté fulgurante, la Grecque avait dévisagé Mounia avec lenteur, avant de se détourner telle une reine bafouée.
    — Elle s'y fera, comme j'ai dû me faire à la mère de Djem. Mais sache qu'elle te hait, comme j'ai pu la haïr, lui avait dit la Khanoum après avoir tapé dans ses mains pour disperser les autres.
    Mounia s'était laissé conduire dans un autre patio, dont les murs blancs croulaient sous les jasmins. Une table était dressée, garnie de mets délicieux, à côté d'un cercle de métal suspendu par des chaînes.
    — Les eunuques veillent à ce que l'on ne manque de rien, et moi, à ce que leur travail soit bien fait, mais si une envie quelconque te prenait, frappe ce gong.
    — Quand reverrai-je Bayezid ? avait demandé Mounia que ce seul désir tenait.
    La Khanoum était redevenue grave.
    — Tu es la femme de son frère, l'as-tu oublié ?
    — Cela n'a pas eu l'air de l'inquiéter jusque-là.
    La Khanoum secoua la tête, navrée.
    Au regard de nos lois, l'enfant que tu portes reste celui de ton époux. Bayezid le sait. Il ne te touchera plus jusqu'à sa venue au monde.
    Mounia s'était mise à trembler.
    — Cela veut-il dire que je ne sortirai pas d'ici avant qu'il soit né ?
    — Ainsi sont nos coutumes, Mounia. Il faut les accepter.
    — J'ai d'autres ambitions que de rester cloîtrée, s'était-elle dressée avec colère.
    La Khanoum avait alors récupéré un petit flacon de sous ses voiles. Prenant la main de Mounia, elle l'avait déposé dans sa paume.
    — Voilà pourquoi il te laisse le choix. Garder ton enfant… ou tes privilèges.
     
    Ce jourd'hui 12 septembre de l'an de grâce 1484, l'épaule appuyée au moucharabieh qui dominait les jardins, Mounia regardait le sultan déambuler avec son conseiller le long des allées bordées de rosiers en fleur. Par moments, comme s'il soupçonnait sa présence, Bayezid levait la tête vers elle. Elle comprenait mieux à présent sa réaction subite dans la bibliothèque. Follement épris, il avait fini par oublier qu'elle était, pour tous, officiellement, l'épouse de Djem. Un instant même, il avait accordé à l'enfant qu'il croyait être le sien un privilège interdit. Elle comprenait et savait ce qu'il espérait.
    Elle ferma les yeux douloureusement. La nuit avait été longue dans le silence de cette communauté. Dans le silence de son cœur. Mais sa décision était prise, malgré le prix inhumain qu'elle devait payer.
    Au bas des huit marches qui ramenaient à cette claire-voie, dans la salle immense où elles distrayaient leurs journées, les femmes riaient, s'aspergeaient d'eau, jouaient comme des enfants. Certaines l'étaient encore. Si jeunes. Vierges qui espéraient trouver un jour la couche royale et se moquaient pour cela d'une vie de captivité.
    — Tu n'es pas comme les autres.
    La voix était celle de la première épouse de Bayezid qui lui avait déjà donné un fils, Ahmed. Mounia se tourna vers elle.
    — Qu'entends-tu par là ? demanda-t-elle pour nourrir une conversation dont elle n'avait aucune envie pourtant.
    Ihda s'appuya contre le moucharabieh pour lui faire face. Un regard de biais vers les jardins. Un sourire triste.
    — Il n'y a pas si longtemps encore, c'est moi qu'il espérait derrière ce mur. Je les ai toutes brisées. Toutes celles qui se sont imaginé pouvoir

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