Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le Chant des sorcières tome 3

Le Chant des sorcières tome 3

Titel: Le Chant des sorcières tome 3 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
Vom Netzwerk:
Philippine trompait les jours à défaut de son chagrin en écrivant à Djem de longues lettres qu'elle n'envoyait pas, de crainte qu'elles ne soient interceptées.
    Sur la suggestion d'Algonde qui tentait par tous les moyens de la distraire, elle avait finalement accepté de recevoir Marie de Dreux, que Laurent de Beaumont tardait à épouser.
    C'était ce jourd'hui qu'elle devait arriver.
    Algonde s'en réjouissait.
    Refusant toute autre compagnie que la sienne, Philippine gardait le désespoir chevillé au corps. Elle refusait de sortir, de se promener, mangeait du bout des doigts et, malgré tous les efforts d'Aymar de Grolée, s'abstenait de converser. C'était un miracle qu'Algonde ait finalement réussi à la décider, et plus encore, en cet après-midi du 17 octobre, à se toiletter pour accueillir dignement la visiteuse.
    La retrouvant un peu sous ces atours princiers, Algonde avait sorti un damier et l'avait posé d'autorité sur une table basse. Elles en étaient à leur quatrième partie et, prise par le jeu, Philippine avait commencé à s'éclairer, lorsque la porte s'ouvrit sur un valet.
    — La personne que vous attendiez est arrivée.
    Le visage de Philippine se rembrunit.
    — Introduisez-la dans une dizaine de minutes, décida Algonde à sa place, avant de tempêter en repoussant le jeu d'une main agacée.
    — Il suffit, Hélène. J'en ai assez.
    Philippine sursauta. Jusque-là, Algonde avait fait preuve d'une réelle compassion.
    — Oui j'en ai assez ! répéta Algonde en se levant brusquement.
    — Qu'y puis-je si je suis malheureuse ? se plaignit Philippine en baissant les yeux sur ses mains recroquevillées sur ses genoux.
    — Tout ! s'emporta Algonde en martelant le sol dans un va-et-vient rapide. As-tu oublié combien j'ai moi-même souffert d'être séparée de Mathieu ?
    — C'était différent. Tu savais que tu le reverrais.
    — Crois-tu donc que l'espoir suffise à guérir les plaies ? le manque ? Détrompe-toi. Il est plus pernicieux encore. Il te ronge comme un rat jusque dans les recoins les plus étroits de tes entrailles. Il entretient la ferveur sans lui donner les moyens d'exister. Pour autant, je n'ai pas cessé de vivre !
    — Inutile de te mettre en colère, maugréa Philippine.
    — Si, je m'y mets. Parce que ce lieu est devenu sinistre, parce que ta mauvaise humeur y pèse plus qu'un glas, parce que ces gens, tout disposés à te plaire, se voient disputer sans raison, et parce que Aymar de Grolée, par le simple fait de son sacrifice, mérite mieux que la face de carême que tu lui fais !… Moi aussi, d'ailleurs ! ajouta-t-elle avec humeur en croisant ses bras sur sa poitrine.
    Philippine éclata en sanglots.
    — De ces larmes aussi, j'en ai assez, ajouta Algonde sans pitié. De vous deux, le plus à plaindre c'est Djem. Tu ne lui rends pas hommage, tu t'enterres dans son souvenir comme un défunt qu'on n'en finit pas de veiller. Il n'est pas mort, que diable ! Captif ? Il l'était déjà. Oublié de tous ? Bien moins qu'avant puisque ton père et Louis entretiennent avec le roi une correspondance à son sujet. Je suis certaine qu'il se nourrit de ton amour comme d'un ciel d'été. Et toi, que fais-tu ? Tu te meurs. Et pourquoi, grands dieux ? Pourquoi sinon parce que tu te sens coupable d'être libre quand lui est prisonnier !
    Les pleurs de Philippine s'arrêtèrent aussitôt. Elle leva vers Algonde un visage hébété.
    — C'est ce que tu crois ?
    — Oui, c'est ce que je crois, répéta Algonde, la bouche pincée. Tu te complais dans le malheur, Hélène, et je refuse de continuer plus longtemps à te plaindre.
    Le silence se fit. Elles s'affrontèrent du regard un moment. Philippine le rompit la première, extirpa un carré de tissu de sa manche et se moucha.
    La porte s'ouvrit à cet instant sur la demoiselle de Dreux. Abandonnant sans remords Philippine qui, détournée, se frottait les yeux, Algonde s'avança vers elle, la main tendue, son sourire et sa bonne humeur recouvrés.
    — Soyez la bienvenue au château de Bressieux, Marie, je suis Algonde, se présenta-t-elle.
    — Je m'en doutais. Hélène m'a parlé de vous à Romans et je suis fort heureuse de vous rencontrer.
    — Et moi de vous revoir, lança Philippine d'une voix nasillarde en se levant.
    Si son visage rougi surprit Marie de Dreux, celle-ci eut l'élégance de n'en rien laisser paraître. Déjà, Philippine s'excusait.
    — Je vous embrasserais volontiers, mais

Weitere Kostenlose Bücher