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Le Chant des sorcières tome 3

Le Chant des sorcières tome 3

Titel: Le Chant des sorcières tome 3 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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sous-entendait pour le prince. Errance, solitude, désœuvrement. Il ne lui avait rien dit, le laissant à ce temps de bonheur évident dont il jouissait à la Bâtie, tout en préparant leur départ.
    Bien qu'il ait enfin reçu du grand maître l'autorisation de quitter l'Ordre, Philibert de Montoison n'avait, quant à lui, guère le cœur à rire. Certes, il tenait une place privilégiée auprès de Philippine, mais il n'avait pas assez l'expérience de la cour pour danser, quand Djem y excellait. Philippine ne quittait pour ainsi dire jamais le bras du prince. Qui plus est, elle riait des traits d'esprit de celui-ci quand elle se moquait des siens. Sans parler de ses regards. Enflammés pour suivre le verbe haut et coloré de Djem, ils se détournaient dès que Philibert s'invitait à la conversation.
    Le castel de la Bâtie n'était plus qu'un reflet de cet Orient dont Djem chantait la magnificence d'une belle voix grave en vers habilement tournés. Voulant plaire à son invité, et tout autant à Philippine qui se remettait douloureusement de la mort de sœur Albrante, Jacques de Sassenage avait passé une semaine à transformer sa demeure en palais de conte oriental avant de l'accueillir. Lors, depuis une quinzaine de jours que Djem y virevoltait, il n'était pas une table qui n'exhalât les saveurs d'Anatolie, pas un vin qui, épicé de coriandre, de girofle et de cannelle, ne rappelât à Djem celui qu'il buvait là-bas. Des tapis luxuriants se couvraient partout de coussins épais aux couleurs chatoyantes et de narguilés. À tel point que Djem en avait été ému aux larmes à son arrivée. Du coup, se sentant presque chez lui, il se pavanait tel un coq et ces damoiselles, de la pucelle à la douairière, tombaient en pâmoison devant lui. Le sire de Montoison en avait assez. Louis, le frère aîné de Philippine, refusait de voir ce qui crevait à présent les yeux de Philibert. Djem convoitait sa promise. Par esprit de vengeance ? Il l'avait cru tout d'abord, mais il ne se leurrait plus. Ces deux-là étaient épris l'un de l'autre. Rien dans leurs attitudes pourtant ne pouvait justifier qu'il s'interpose.
    Pour l'heure, ils étaient tous là autour de lui. Philippine et ses sœurs, Algonde, Djem, Nassouh, dame Sidonie, Louis et François son cadet, le baron Jacques et aussi Aymar de Grolée, qui les avait rejoints la veille au soir. Ils jouaient au jeu de paume dans le jardin, se renvoyant à main nue, ou gantée pour ces dames, une balle de viscères séchés garnie de poils d'animaux. Quatre ans déjà que le feu roi Louis XI avait réglementé leur fabrication suite aux accidents trop nombreux dus au rembourrage de chaux ou de sable. Philibert regretta un instant cette mesure. Il aurait volontiers brisé le poignet de Djem en lui renvoyant le projectile trop lourdement chargé ! Finies, alors, les aubades dont il s'accompagnait au luth ! Finis, les vers offerts au parchemin ! Finie, la caresse furtive à l'intérieur du poignet de Philippine ! Philibert enrageait.
    La balle fonça sur lui. Agacé, il la manqua.
    — Alors quoi, messire ? Seriez-vous devenu manchot d'avoir troqué votre épée pour de la dentelle ? se moqua Philippine qui la lui avait envoyée.
    Une fois de plus elle le ridiculisait. Cette petite garce allait le lui payer ! Il tourna la tête, jetant son œil fauve vers les buissons où la balle avait roulé. Déjà un laquais se précipitait. D'un pas vengeur, Philibert en profita pour aller boire un verre d'orgeat à la table dressée qui, outre des boissons tenues fraîches, offrait pâtisseries et fruits confits à satiété. Tout à côté, Marthe, installée à l'ombre, le fusilla d'un regard dépité.
    — Cessez donc de vous donner en spectacle et venez me rejoindre sous la tonnelle. J'ai à vous parler.
    Surpris, il ne sut que répondre et s'en retourna au jeu. Il renvoya la balle à Louis qui agitait les bras, faisant barrage à son frère auquel la passe revenait. Il s'appliqua deux tours encore à rattraper vigoureusement ses points, puis, intrigué de ce que cette sorcière avait à lui dire, il abandonna la partie. Il faisait chaud en cet après-midi du 5 juillet. Les joueurs ne tarderaient pas à y mettre fin eux aussi. Déjà les plus jeunes sœurs de Philippine avaient déclaré forfait. Philibert se hâta sous la tonnelle. C'était là que Catherine de Valmont avait été retrouvée morte, lui avait raconté Louis avec abattement. L'aîné des fils Sassenage

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