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Le Chant des sorcières tome 3

Le Chant des sorcières tome 3

Titel: Le Chant des sorcières tome 3 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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pyramides. La distingues-tu, là-bas, dans la plaine, avec ses deux sœurs Khâfrê et Menkaourê ?
    Enguerrand hocha la tête. Oui, il voyait. Le Nil en crue qui, de son delta ramifié tel un arbre gigantesque, les avait menés tout près du Caire, les habitations et palais délabrés de Fostât, bâtie sur les ruines de la toute première cité, et la ville nouvelle enserrée dans une enceinte de pierres, ponctuée de milliers de minarets et de coupoles.
    — Du haut de la citadelle, c'est plus impressionnant encore. On voit de nombreuses pyramides plus petites, qui appartiennent à l'ancienne nécropole de Memphis. Je t'y mènerai. La demeure de mon père se situe tout près du point culminant, entre le palais Qasr al-Ablaq, dans lequel se mènent les affaires de l'État, et la salle de justice.
    Au ton de sa voix, Enguerrand perçut l'impatience de Mounia. Il lui tardait également de parvenir à leur destination, El-Qalaa, cette citadelle dont ils longeaient les remparts.
    D'un mouvement léger du talon, il donna l'ordre à son chameau d'avancer. Le turban dissimulant ses cheveux, la barbe brune taillée en fer de lance, le teint bruni par le soleil qui avait accompagné leur course en Méditerranée, la gandoura qui tombait sur les babouches, rien ne différenciait Enguerrand d'un Sarrasin.
    — Au Caire, les chrétiens vivent en paix. Ce sont surtout des marchands, établis dans un quartier qu'on appelle le Mouski. Mais je préfère ne pas attirer l'attention sur nous, avait déclaré Mounia. Question de sécurité.
    De fait, jusque-là, tout s'était déroulé sans anicroche. Après avoir quitté Lina, Catarina et les enfants, ils avaient gagné le port de Cagliari avec dans leurs bagages de quoi subsister jusqu'à ce que leur quête soit achevée. Était-ce le fait des prières ardentes des deux Sardes ou de la protection des Anciens, leur navire opportunément épargné par les Barbaresques avait atteint le port l'avant-veille. Forts de cette providence, délaissant la ville nouvelle, ils s'étaient mis en route sans tarder vers la forteresse qui abritait le palais royal.
    Mounia, le cœur en joie de revoir ses parents ; Enguerrand, lui, inexplicablement noué.
    La route étroite creusée au flanc de la colline balayée de sable les amena jusqu'aux tours rondes et jumelles. L'imposante porte sculptée que protégeaient Burg al-Haddad et Burgar-Ramlab était encombrée par une longue file de gens qui entraient ou sortaient, contrôlés par des gardes. Enguerrand et Mounia se fondirent dans le nombre.
    *
    Houchang, le fidèle ami de Djem parti en grand secret quelques semaines plus tôt de Rochechinard, étira sa corpulence massive engourdie par sa garde, avant de se caler de nouveau dans le renfoncement du mur blanchi de chaux. Troquant sa superbe contre l'allure dépenaillée d'un mendiant, il s'était attaché aux pas d'Aziz ben Salek, le père de Mounia, depuis son arrivée au Caire voilà huit jours. Son premier réflexe avait été de se rendre au palais du sultan Keït bey où résidaient toujours les deux fils et la première épouse de Djem. Il s'était ravisé pourtant, craignant en révélant sa présence d'inciter Mounia à se cacher. Il ne pouvait se le permettre. La vie de Djem était en jeu. Il s'était discrètement renseigné sur Aziz ben Salek. Haut dignitaire, ce dernier passait ses journées au palais et ne rentrait que le soir chez lui. Protégé par sa nouvelle apparence, Houchang, qui connaissait l'homme pour avoir assisté aux négociations concernant le mariage de Djem avec Mounia, l'avait suivi jusqu'à sa somptueuse maison dans l'espoir d'apercevoir la silhouette de la traîtresse. Ce jourd'hui il commençait à désespérer. Soit Mounia ne quittait jamais la demeure familiale, soit il devait admettre qu'il s'était fourvoyé en l'imaginant revenir auprès des siens.
    Le soleil était au zénith et, malgré le léger vent frais qui caractérisait l'endroit, la chaleur plombait la colline, ramenant de fortes odeurs d'urine à son nez chatouilleux. Bien que la terre soit arrosée régulièrement par les Saqqa, ces porteurs d'outres qui parcouraient inlassablement les trois enceintes intérieures depuis le puits de Joseph, hommes et bêtes faisant là où ils se trouvaient, la citadelle puait. Houchang sortit un sachet d'épices de sa bourse et le passa sous ses narines. Il s'était donné deux jours encore. Ensuite il gagnerait Rhodes et trouverait bien moyen, de là, de retracer

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