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Le Chant des sorcières tome 3

Le Chant des sorcières tome 3

Titel: Le Chant des sorcières tome 3 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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De toute évidence, elle savait.
     

14
    Aymar de Grolée avait obtenu l'autorisation de s'isoler pour vouer ses prières à l'âme de cette malheureuse. Il avait besoin de réfléchir. Personne n'avait pu pénétrer dans l'enceinte de la forteresse sans être vu, la herse étant abaissée et les portes bouclées chaque soir. Un des convers dormait sur place, dans une tourelle exiguë, pour le cas, peu probable en vérité, où un visiteur impromptu demanderait asile. Le père Gabriel avait eu la générosité de le lui révéler, ajoutant qu'il ferait parler l'homme sans difficulté si leur enquête laissait supposer qu'il mentait. C'était sans doute dans cet espoir qu'il les avait aussi présentés l'un à l'autre. Le jeune convers ne l'avait pas reconnu. Aymar s'était retiré dans la chapelle. Seul. Il ne faisait désormais aucun doute pour lui que Marthe était responsable du crime. Le fait qu'un seul cadavre ait été découvert le rassurait. Tout en le laissant circonspect. Il n'avait pas de nouvelles de Jeanne, ne pouvait en demander à quiconque. Et tant que ces hommes demeureraient sur place, il ne pourrait rien pour elle. Il enrageait contre lui-même d'avoir attendu si longuement pour agir. C'était pourtant l'idée de Jacques. Laisser passer un peu de temps pour que Jeanne récupère et que Marthe ne soupçonne rien. De plus, connaissant les pouvoirs de cette sorcière, Aymar avait préféré trouver un endroit sûr. Ses terres ne l'étaient pas, Marthe pouvant se souvenir de l'affection qu'il portait à Jeanne. Il avait donc décidé de la conduire dans le Piémont chez le marquis Louis II de Saluces, homme d'une droiture exceptionnelle. Il avait tout prévu. Aymar de Grolée nicha son visage dans ses mains. Tout. Sauf ce grain de sable.
    Que n'aurait-il donné en cet instant pour la voir à défaut de lui parler !
    — Seigneur, murmura-t-il, dans ta grande mansuétude, protège…
    — Pssit… perçut-il à sa gauche.
    Il leva la tête, fouilla la chapelle du regard. Il était seul dans la douce lumière d'une rangée de candélabres. Il allait se remettre à prier lorsque le bruit recommença. Cette fois, il perçut dans l'ombre un discret signe de main. Jeanne ? Son cœur s'embrasa. Craignant qu'on ne l'observe depuis l'entrée, il s'accorda quelques secondes encore, se signa, puis se dirigea d'un pas nonchalant vers une Sainte Vierge à taille humaine. Il s'agenouilla devant elle et, prenant un air de circonstance, joignit ses mains de nouveau. De loin, il donnerait le change. Il perçut un léger déplacement dans sa direction. Bien que brûlant de trouble, il ne bougea pas. L'ombre avalait l'identité de qui se rapprochait.
    — Vous étiez à l'enterrement de Jeanne de Commiers, n'est-ce pas ? chuchota-t-on à quelques pas.
    Déçu, il ne reconnut pas la voix. Simulant une quinte de toux, il articula néanmoins un « oui » dans son poing fermé.
    — Ne parlez pas, écoutez-moi. Je suis sœur Aymonette. Une des plus anciennes de ce couvent avec la révérende et feu Albrante.
    La voix se brisa un instant, avant de reprendre.
    — Je vous ai reconnu à votre arrivée tantôt. Connaissant les lieux mieux que ces hommes, je suis parvenue à vous rejoindre. Ils ne doivent pas savoir pour Jeanne. Elle a disparu la nuit du meurtre.
    Le cœur d'Aymar de Grolée se serra. Marthe… lui hurla de nouveau l'évidence. Sœur Aymonette, inconsciente de son désespoir, poursuivit dans un souffle :
    — Je ne crois pas à l'œuvre du diable, messire. Le diable ne s'habille pas de soie. Quand je serai partie, penchez-vous sur la troisième dalle de sol en partant de senestre. Celle qui dissimule le tombeau de Béatrix…
    La voix se tut. Sœur Aymonette disparut par une porte dérobée dans le mur. Préchantresse de la communauté, elle l'empruntait souvent pour se rendre depuis le corps de logis à la chapelle où elle enseignait le chant liturgique aux moniales. Aymar de Grolée attendit quelques secondes encore puis fit ainsi qu'on lui avait recommandé. À l'instant où des pas résonnaient dans la nef, l'avertissant de la venue du père Gabriel, il arrachait discrètement un morceau de tissu prisonnier du carreau de pierre.
    *
    Pardonnez mon absence, ma douce Hélène, mais mon cœur douloureux requérait justice. Elle est faite. Je serai là le dix-huit. Il me tarde de vous .
    Le billet n'était pas signé, mais Philippine savait qu'il venait de Djem. Le 18. C'était ce jourd'hui.

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