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Le Chant des sorcières tome 3

Le Chant des sorcières tome 3

Titel: Le Chant des sorcières tome 3 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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soupirant.
    À cet instant, le prenant pour un des mendiants qui hantaient les murailles de la citadelle, un vieillard au teint buriné et à la gandoura rayée s'approcha pour lui tendre un sachet d'olives.
    — Je n'ai rien pour ton animal, mais voici pour toi, mon ami. Qu'Allah te protège.
    Ne voulant pas se distinguer des autres miséreux, Houchang accepta le présent avec gratitude. Il courba le menton à plusieurs reprises pour bénir le passant de sa générosité. Relâchant le chaton qui gigotait contre sa poitrine, il engloba la rue d'un rapide coup d'œil. Regroupés, trois autres mendiants y sévissaient, à quatre portes de là, en face, assis en tailleur à même le sol, comme lui quelques minutes plus tôt. Leurs visages se perdaient dans l'ombre du mur. La main ou la sébile tendue, de loin, ils affichaient une mise plus piteuse encore que la sienne. Houchang en prit note. Il devait être vigilant à son déguisement. Lui qui aimait l'onctuosité des onguents sur sa peau après les bains ne se lavait plus qu'avec parcimonie depuis son arrivée pour nourrir l'odeur de la rue dont empestaient les véritables miséreux. Même dans les montagnes d'Anatolie, il avait toujours veillé à sa toilette. Enfin, songea-t-il en se rasseyant, la vie du prince méritait largement ces menues incommodités !
    Le soleil descendait à l'horizon, le parant de vapeurs poudrées. La citadelle perdait de son activité. Le chat qui s'était éloigné revint se nicher entre ses jambes croisées en ondulant de la croupe. Piétinant des coussinets un moment pour trouver sa place, il finit par s'enrouler sur lui-même et par s'endormir dans le repli d'un genou. Houchang cala son dos au mur, égarant ses gros doigts dans le pelage gris de l'animal. Comme lui semblaient loin les faveurs et les douceurs de sa propre jeunesse, quand il chevauchait bride abattue avec Djem, festoyant au bout de la nuit, rêvant de conquête ou brûlant d'injustice et de combat au plus fort de sa guerre contre Bayezid. L'exil. Il inspira l'air chargé des relents d'épices.
    — Comme je voudrais, ô mon prince ! que tu fusses là, à mes côtés cette nuit ! songea-t-il en fixant sans y croire la double porte cintrée qui s'ouvrait enfin de l'autre côté de la rue.
    Son cœur s'accéléra dans sa poitrine. Il baissa le nez sur ses babouches pour n'être pas reconnu, tandis que un à un, montés de cavaliers, quatre chameaux sortaient de la cour de la demeure d'Aziz. L'oiseau quittait le nid. Et à en juger par les silhouettes, Houchang aurait pu jurer que c'était la maisonnée entière qui s'en allait. Il attendit que le groupe s'éloigne pour bondir sur ses pieds, oubliant le chaton auquel il arracha un miaulement indigné.
    — L'heure n'est plus aux caresses, murmura-t-il.
    L'instinct de Houchang le trompait rarement. En un éclair il devina leur destination. Décidé à les y précéder, il descendit la rue pentue d'un pas pressé, passa devant le groupe de mendiants pour bifurquer aussitôt et au pas de course dans une autre, parallèle.
    Remis debout, déjà l'un des mendiants s'apprêtait à talonner Houchang, lorsque le plus grand d'entre eux le retint par le bras.
    — Laisse-le filer. Qu'il fasse le travail. Le moment venu, nous interviendrons. Là-bas. Dans les ruines d'Héliopolis.
    Délaissant Houchang qu'ils avaient sans peine retrouvé là sitôt leur débarquement quelques jours plus tôt, Hugues de Luirieux, l'ombre noire de Philibert de Montoison, suivit des yeux la caravane qui loin devant dodelinait au pas des bêtes.
    — L'heure de la vengeance a sonné, martela-t-il.
    À cet instant, reflétant la haine qui lui balayait le cœur au souvenir de la fuite d'Enguerrand et Mounia à Rhodes, les remparts de la citadelle basculèrent dans l'ombre, fauchant l'horizon pourpre. Le soleil sombrait.
     

18
    La caresse mourut sur le sein gauche d'Algonde.
    — Qu'as-tu donc ? demanda Mathieu qui s'évertuait sans succès à réveiller les sens de son épouse.
    Depuis qu'ils s'étaient couchés, tout comme ces derniers jours, Algonde demeurait de marbre à ses côtés.
    — Rien, je suis fatiguée.
    — Fatiguée… Tiens donc ! Et que devrais-je dire, moi qui suis debout depuis l'aube à la chaleur du four ?
    Tournant son visage vers lui, Algonde se força à sourire.
    — La même chose sans doute ! Et pis encore. Ne sois pas fâché, Mathieu, mais ma journée fut rude.
    Mathieu tordit la bouche avant de se renverser

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