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Le Chant des sorcières tome 3

Le Chant des sorcières tome 3

Titel: Le Chant des sorcières tome 3 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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soir, Aziz passa les portes de sa maison. L'homme était vert encore malgré un âge avancé. Son œil droit, noble et fier, savait se piquer de rouerie pour parvenir à ses fins. Stratège habile, conseiller vertueux, Keït bey avait toute confiance en lui. Pourtant, Houchang aurait pu jurer que derrière ce masque se cachait un autre, un homme qui, par trois fois, délaissant son poste, s'était rendu près d'Héliopolis, au nord-est des remparts du Caire, dans un ancien palais abandonné. Le suivant de loin pour n'être pas repéré, Houchang n'avait pu se rendre compte de ce qu'il y faisait. Aziz était ressorti de longues heures plus tard, avait verrouillé la porte et repris le chemin de la citadelle comme si de rien n'était.
    À la faveur d'une nuit, Houchang avait forcé le passage, certain qu'on attribuerait cette intrusion à quelque pillard. Fatiguée par l'érosion des vents de sable, la serrure avait cédé d'un simple coup de pied sur le battant. Le palais ceinturait une cour tristement délabrée dont la fontaine ornée de mosaïques semblait tarie depuis longtemps. Balayées de la lueur d'une lanterne, les différentes salles avaient révélé sous le dôme de leurs plafonds des bas-reliefs somptueux et des colonnades, chargées de hiéroglyphes. Au sol, de grandes dalles d'albâtre poli trahissaient encore la richesse passée du lieu. L'endroit avait dû être splendide, et cependant la désolation y régnait. Pas un meuble, pas une poterie, pas un tapis. Les pièces étaient vides. Oubliées des hommes à l'exception d'Aziz ben Salek. Ce qui rendait plus curieux encore l'intérêt et le temps que le père de Mounia consacrait à cet endroit.
    Houchang l'avait quitté sans réponse, certain pourtant qu'il devait exister là quelque passage secret vers la véritable motivation du dignitaire. Depuis, il veillait avec une attention accrue.
     
    Comme chaque soir, les bruits parasites de la citadelle s'étant étouffés en même temps que l'activité, il se plaça sous le moucharabieh de la maison d'Aziz, et tendit l'oreille. Surpris, il perçut des rires enveloppés de musique. Il capta quelques mots. Du franc. Son cœur accéléra dans sa poitrine. Puis enfin un nom. Exclamation de joie dans la bouche d'Aziz :
    — Mounia ! ma chère enfant !
    Aussi joyeux que l'était cette maisonnée, Houchang se détacha du mur en frottant l'une contre l'autre ses mains épaisses. Sa quête était terminée, et la faim, une faim d'ogre, le tenaillait.
     

17
    Guy de Blanchefort reçut la requête de Djem avec désarroi. Le prince, qui l'avait convoqué en cette fin d'après-midi du 6 juillet, se tenait devant lui, dans une des salles habillées d'Orient mises à sa disposition par le baron Jacques de Sassenage. À en juger par la nervosité inhabituelle qui faisait tressauter sa paupière par intermittence, Djem avait longuement réfléchi à la question.
    — Puis-je savoir ce qui motive ce choix, mon cher ami ? questionna le grand prieur d'Auvergne à son tour en joignant ses mains devant son menton pour masquer leur moiteur soudaine.
    Djem lui tourna le dos pour aller se planter devant la fenêtre. Dans les jardins en contrebas, Philippine jouait à colin-maillard avec ses damoiselles de compagnie. Parler d'elle, raconter cet élan qui le poussait vers le velours de ses lèvres, cet embrasement qui ramenait chaleur en lui et cendres l'instant d'après lorsqu'elle s'éloignait, chanter sa beauté et sa grâce, l'étincelle dont ses yeux s'illuminaient lorsqu'il les caressait des siens, sentir frissonner le bout de ses doigts quand, à la faveur d'un geste discret, leurs peaux se frôlaient. Se nourrir du battement de ses cils de gazelle, de l'éclat des joyaux qui rehaussaient son teint d'albâtre, savoir du plus profond de lui qu'il lui appartiendrait jusqu'à son dernier souffle, et ne voulait plus vivre une heure sans son rire. Et que cet amour-là le ravageait au point d'avoir perdu le sens du reste, le souvenir de sa quête antérieure, des batailles intestines, des ambitions légitimes, voilà ce qu'il aurait voulu expliquer au grand prieur, en se jetant à ses pieds comme un chien misérable mendiant pour sa survie un os à ronger. Il ne le pouvait pas. Cette vérité-là était inacceptable pour Guy de Blanchefort qui, la veille encore, lui avait répété sa joie de voir Philibert de Montoison, son fils peut-être, épouser Philippine.
    Djem fixa son aimée qui tournoyait sur elle-même. Un

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