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Le Chant des sorcières tome 3

Le Chant des sorcières tome 3

Titel: Le Chant des sorcières tome 3 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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de destin l'avait annoncé. Son petit-fils était prédestiné à protéger le roi des Hautes Terres. Aziz eût pu se satisfaire de sa condition hautement enviable au regard de ses pairs, mais quelque chose l'en empêchait. Ce qu'il avait découvert en la cité de Memphis puis d'Héliopolis et qu'il avait enfin décidé de leur montrer.
    *
    Mathieu laissa Algonde se vider de larmes. Immobile et silencieux, il la retenait seulement contre lui, espérant qu'il ne l'avait pas perdue à jamais par cette folie, craignant de la perdre plus encore s'il trahissait Marthe. Écartelé lui-même, il se mordait la joue avec violence pour ne pas sangloter tel un enfançon. Il s'en voulait. Non de la décision qu'il avait prise, car il était convaincu de son fait, mais de n'avoir pas été plus discret ce matin-là. Il ne pouvait pourtant s'en servir d'argument pour l'apaiser. Il ne pouvait rien. À part attendre les mots d'Algonde qui le condamneraient.
    Ce fut petite Elora qui le sauva momentanément. Réveillée sans doute par leur détresse mutuelle, elle se mit à geindre puis à mêler ses sanglots à ceux de sa mère. Algonde étouffa aussitôt les siens. Reprise par son instinct, elle se dégagea presque brutalement de l'étreinte de son époux pour courir se pencher au-dessus du berceau.
    — Chut, chut, tout va bien.
    Elora refusa d'entendre. Avant même qu'Algonde ait enlevé la petiote de ses draps, Mathieu avait à son tour sauté du lit pour les rejoindre. Il les enveloppa toutes deux de ses bras pour planter son regard éperdu, perdu, dans celui de son épouse. Elora se tut. Mathieu déglutit.
    — Nous ne faisons qu'un, Algonde. Un seul tous les trois. Comprends-tu ? Je ne veux pas vous perdre.
    — Tu n'as pas choisi le bon camp pour ça.
    — Tu ne les vaincras pas.
    — Qu'en sais-tu? le défia Algonde, sans pour autant quitter cet asile dans lequel Elora recouvrait peu à peu son calme en suçotant son pouce.
    — Leurs pouvoirs défient la raison. Face à ceux de Marthe je suis sans défense, et toi aussi, Algonde. Crois-tu donc que ce petit être, là, puisse davantage que toi et moi ?
    À cet instant la magie d'Elora opéra dans la pièce, comme si elle avait voulu rassurer son père. La lumière qui émana d'elle les sertit de ses reflets d'azur avant de les soulever du sol. Mathieu trembla sur ses certitudes. Peu à peu, Algonde s'apaisa de cette force sereine qui faisait écho à la sienne, l'irradiant d'un éclat féerique. Dénoués par quelque sortilège, ses cheveux pris par la tresse un instant plus tôt se mirent à voleter, fins et vaporeux, autour d'eux.
    — Tu es si belle, se troubla Mathieu.
    Enlacés tel un seul être, ils se mirent à danser lentement au-dessus du vide et Mathieu eût pu jurer que l'air était devenu musique. Il en percevait les accords sans âge. La douceur bienfaitrice. La mélopée envoûtante. Jamais encore il n'avait ressenti plénitude plus grande. Il plongea dans les yeux d'Algonde. Oubliée, la couleur du Furon. Ils étaient devenus d'un vert presque translucide, un cristal coloré des plus belles gemmes de la création. Certes, elle lui avait dit tout cela, certes, il l'avait accepté. Sans en percevoir la puissance. Sans le croire vraiment.
    — Pardonne-moi, murmura-t-il, émerveillé. Je ne savais pas.
    — Toi seul es vulnérable, Mathieu. Elora et moi sommes capables de nous protéger, tu dois nous faire confiance. Ne nous abandonne pas, je t'en prie. Ne renie pas ce que nous sommes, supplia la voix chantante d'Algonde.
    Il ne la reconnut pas.
    Rattrapé par les menaces de Marthe, il secoua la tête. Le moment venu, que déciderait son cœur en vérité ? Serait-il fort ou faible ? Une seule chose était sûre.
    — Personne ne nous séparera, murmura-t-il tandis que la main de lumière les étendait sur le lit, tous les trois.
     

19
    Enguerrand avait perdu la notion du temps dans ce long tunnel qu'ils martelaient de leurs pas. Difficile, dans l'obscurité, de savoir dans quelle pièce du palais Aziz avait fait jouer un mécanisme secret. Le chevalier de Sassenage n'avait entendu que le bruit d'un glissement avant que son beau-père ne les prévienne du nombre de marches - trois cent soixante-douze - qu'ils devraient descendre. Aziz les avait guidés chacun leur tour jusqu'à la première puis les avait rejoints en bas pour reprendre la tête du groupe.
    Pas un mot échangé depuis, comme si le silence seul pouvait s'accorder à ce lieu

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