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Le Chant des sorcières tome 3

Le Chant des sorcières tome 3

Titel: Le Chant des sorcières tome 3 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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quelques heures plus tôt, le roulis sous ses pieds, une odeur de sardine dans le nez, des crissements de mâture et de mouettes dans les oreilles. On l'avait embarquée, inconsciente. Seule dans l'obscurité de la cale où on l'avait enfermée, elle avait été rattrapée par le chagrin, comme une houle infernale. C'étaient un carré de jour brutalement découvert dans le toit et des pas dans l'escalier qui avaient éteint ses sanglots. Mounia n'était pas de celles qui admettent de laisser leur faiblesse les condamner. Un falot avait balayé la pièce, révélant trois hommes.
    — L'heure est venue de payer, Mounia, avait annoncé Hugues de Luirieux.
    Son bourreau n'aurait aucune pitié, elle le savait. Elle n'avait rien dit. S'était laissé suspendre par les poignets à une poutre, les mâchoires serrées. Quoi qu'il lui réserve, il ne pourrait la torturer davantage que ces derniers moments passés en Égypte. Le fouet avait claqué sur ses reins dénudés. Jusqu'à ce qu'elle s'évanouisse de nouveau. Jusqu'à ce que l'eau salée jetée sur ses plaies la ranime dans un hurlement de douleur.
    Ensuite, elle avait perdu la notion des choses. Ils s'étaient amusés d'elle, tous les trois, l'avaient humiliée, souillée. Parce qu'elle était au-delà de la douleur depuis que le visage de sa mère s'était figé, Mounia n'avait plus rien senti. Jusque-là, elle s'était toujours demandé ce que voulait exprimer cette notion de sang-froid dont lui avait si souvent parlé Enguerrand. Ce jourd'hui elle savait. C'était un détachement total de la réalité allié à l'instinct de survie. Plus fort que la souffrance, plus fort que la peur. Un corps gelé qui attend le dégel avec la certitude de l'hiver à traverser.
    Elle avait attendu, épurée d'émotions, de perception. Cela s'était arrêté.
    Resté seul avec elle, Luirieux s'était adossé à un pilier, dans le contre-jour que lui offrait en dansant au rythme de la houle la lanterne suspendue à un crochet.
    — Je t'ai sous-estimée, je crois. Malgré ta soumission, visiblement tu n'es pas de la race des vaincues. Rhabille-toi.
    Il était remonté, laissant derrière lui la trappe ouverte. Elle avait mis longtemps avant de trouver la force de gagner le pont. La matinée entière à baigner son corps dans l'eau qui restait au fond du seau, étouffant la morsure du sel entre ses dents serrées. S'attendant à perdre l'enfant qu'elle portait comme elle avait perdu son père. Ils n'avaient rien soupçonné. C'était mieux ainsi. De fait, ses seins s'étaient affirmés, sa taille ne s'était pas épaissie. Elle avait guetté la douleur au ventre. Rien n'était venu. Ses longs cheveux noirs démêlés à la force de ses doigts, elle les avait noués, déchirant un morceau de jupon pour attacher sa tresse. Frotté son visage à ses jupes. Affirmé sa mâchoire, son regard. Choisi d'afficher l'indifférence plutôt que la haine, mais gardé au cœur, comme un trésor, la soif de vengeance. Tôt ou tard elle viendrait. S'ils l'épargnaient. Même si elle se demandait pourquoi ils le feraient.
    Le navire battait pavillon grec, mais Mounia comprit, à peine eut-elle gravi l'échelle, que c'était des barbaresques qui le tenaient. Comment Hugues de Luirieux et ses hommes avaient pu s'acoquiner avec des pirates, elle refusa d'en rien savoir, mais aux regards libidineux qui se posèrent sur elle, elle comprit qu'elle serait leur jouet durant la traversée. Elle refusa de se poser d'autres questions.
    Il fallait choisir. Maintenant.
    Subir ou sauter par-dessus bord.
    Vivre peut-être ou mourir sûrement.
    Elle s'était accrochée au bastingage.
    Elle inspira une nouvelle fois.
    — Tu ne le feras pas.
    Luirieux.
    Elle ne se retourna pas. Ni questions ni réponses. Ce que voulait cet homme en vérité lui était égal. Il se colla contre son dos, la plia légèrement sur le rebord. Elle résista. Il fouilla de son nez la chevelure bouclée, inspira le parfum de sueur et de sang qui s'y était imprimé.
    Jusqu'à tantôt j'ai cru que je te haïssais, Mounia. Une haine qui montait de mon vit à mon âme, comme une lame qui m'empalait depuis ton départ de Rhodes. Mais c'est pis encore.
    Il emprisonna les mains chevillées au bastingage dans les siennes. Les broya en se plaquant plus fort contre ses reins.
    — La vérité, c'est que tu m'as empoisonné le cœur et que je pourris de toi chaque jour davantage.
    Il la mordit à la nuque. Doucement d'abord, puis sauvagement. Les

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