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Le Chant des sorcières tome 3

Le Chant des sorcières tome 3

Titel: Le Chant des sorcières tome 3 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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quelques images lui venaient, de sang, de violence, de géant momifié et de cartes, de cartes, en nombre dans des étuis cylindriques en or. Deux visages aussi, l'un chassant l'autre, dont les noms chantaient : Mounia. Algonde. Tous deux éveillaient en lui douceur, tendresse puis souffrance au point qu'il se hâtait de les rejeter.
    Ce 18 juillet 1484, la vie d'Enguerrand de Sassenage était toujours en suspens dans l'antique cité d'Héliopolis. Une femme veillait sur lui. Un petit bout de femme de quatorze ans à peine, qui ne savait rien de lui, sinon que son père et ses frères l'avaient ramené une nuit du palais voisin abandonné.
    À l'instant d'être balancé, inconscient, avec les autres cadavres, dépouillés, dans un trou creusé en hâte, par trois fois Enguerrand avait prononcé le nom d'Osiris. Cette pauvre famille de fellahs avait eu à cœur de le sauver.
    De tout cela Enguerrand ne savait rien. Tout comme il ignorait qu'en ce jour Mounia venait de s'agenouiller devant Bayezid, le front bas, indifférente de nouveau à tout ce qui pourrait lui arriver.
    *
    Dans le palais de Topkapi, situé au sommet de la pointe du sérail, assis sur d'épais coussins tapissiers, eux-mêmes posés sur un tapis de soie représentant la prise de Constantinople par son défunt père, le sultan Bayezid écoutait avec intérêt le sire de Luirieux, hochant parfois la tête pour marquer son contentement.
    Ses espions lui avaient depuis longtemps raconté la trahison de cette femme à l'égard de son frère Djem. Les partisans de celui-ci la recherchaient depuis des mois pour la punir. Lui-même avait lancé les siens contre une belle récompense, certain que cet acharnement était la preuve qu'elle détenait des informations. Il devait donc se réjouir de l'avoir enfin récupérée, même s'il lui coûtait de verser rançon, une de plus, à ces chiens de Francs. Pour ne pas le regretter, il se devait de vérifier qu'on ne voulait pas le tromper.
    — Assez de palabres, décida-t-il brusquement en bondissant sur ses pieds comme un félin.
    La phrase entamée par Hugues de Luirieux mourut sur ses lèvres. Il le savait. Bayezid n'avait pas cru un mot de ce qu'il lui avait raconté. Tout reposerait sur les dires de Mounia. Bien qu'elle ait depuis longtemps compris son intérêt, Luirieux se méfiait d'elle, de son apathie trop marquée depuis qu'ils avaient accosté. Il masqua son inquiétude, pendant que le sultan descendait avec souplesse les quatre marches de marbre rose. Ramené à sa hauteur, il dépassait encore Luirieux d'une tête. Indifférent à sa présence, Bayezid se planta devant Mounia.
    — Lève-toi, femme, ordonna-t-il.
    Mounia obéit. Si l'enfant en elle n'avait hurlé son besoin de vivre, elle serait morte dans le sillage d'Enguerrand, fauchée par les requins. Dès lors qu'elle y avait renoncé, à quoi bon se rebeller ?…
    Bayezid détacha avec délicatesse le voile avec lequel on lui avait masqué le visage. Charbonnés, les yeux en amande paraissaient plus grands encore, d'une profondeur douloureuse qui donnait à l'ovale des traits une beauté de fauve en captivité. Même la bouche peinte de rouge évoquait celle d'un carnassier.
    « Malgré sa docilité, cette femme est pétrie d'obscure vengeance », songea Bayezid, immédiatement conquis.
    Croisant les mains dans le dos, il se mit à tourner autour d'elle, s'attardant sur le buste haut, la chute des reins sous-tendus sous les couches successives de voile dont on avait eu soin de la parer. Fin connaisseur, il dut reconnaître à son frère un goût parfait en matière de femmes.
    — Comme vous pouvez en juger, elle a été bien traitée, reprit Hugues de Luirieux, qu'une pointe de jalousie piquait malgré lui.
    D'un geste de sa dextre aux doigts lourdement bagués de pierres précieuses, Bayezid lui intima de nouveau l'ordre de se taire.
    — Es-tu celle qu'il prétend que tu es ? demanda-t-il à Mounia en s'arrêtant devant elle.
    — Oui, puissant sultan.
    — Pourquoi as-tu trahi mon frère ?
    — Il refusait de me toucher, répondit-elle en le fixant droit dans les yeux.
    — Un autre que lui l'a-t-il fait ?
    Vivre ou mourir. Cette fois encore, l'enfant choisit pour elle.
    — Non. Aucun autre à part mon époux, le prince Djem. Pour me punir.
    Il hocha la tête de satisfaction.
    — On raconte qu'un homme t'a aidée à fuir Rhodes, le même que celui qui t'a sauvée des sbires de mon frère. Est-ce vrai ?
    — Oui,

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