Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le Chant des sorcières tome 3

Le Chant des sorcières tome 3

Titel: Le Chant des sorcières tome 3 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
Vom Netzwerk:
voulait à tout prix l'empêcher. Philippine ne savait plus quel Dieu invoquer pour espérer encore. Ce soir, n'y tenant plus, elle avait fait porter un billet à Djem par l'intermédiaire d'Algonde et de Nassouh.
    Trompez la vigilance de vos gardes. Rejoignez-moi, hier il était trop tôt. Demain il sera trop tard …
    Un reste de convenance lui avait fait choisir l'asile d'une église pour cette rencontre, prévenant ainsi tout danger de caresse qui les eût perdus. Elle voulait seulement le voir, se blottir une fois encore contre lui, goûter le sel de ses lèvres, retrouver l'odeur de sa peau et des capiteux mélanges d'épices dans le creux de son cou. Juste cela. Rien d'autre. Elle y avait réfléchi longuement depuis qu'Algonde lui avait tout raconté. La malédiction de Présine à ses filles, la prophétie. Philippine ne voulait pas donner naissance à un enfant velu. Elle ne voulait pas donner naissance à un fils qu'on lui arracherait. Elle ne voulait ni perdre Algonde, ni perdre Djem. Et estimait que le seul moyen était de ne pas fauter avec l'homme qu'elle aimait si elle ne pouvait l'épouser. Puisqu'il fallait qu'elle se soumette à Philibert pour sauver sa mère, elle le ferait, mais elle n'offrirait rien d'autre à Marthe. Rien d'autre à ce porc. Elle trouverait bien quelque poison à lui administrer pour s'en débarrasser. Elle en était là, à ressasser ces résolutions comme un ultime refuge, lorsque la porte de la petite chapelle grinça légèrement sur ses gonds. Son cœur s'emballa dans sa poitrine.
    L'instant d'après, Djem apparaissait dans l'encadrement et elle courait se jeter dans ses bras.
    — Folie, murmura-t-il en couvrant sa chevelure de petits baisers. Folie, mon amour… ma lumière… l'aube de mes nuits…
    Elle s'écarta juste assez pour tendre ses yeux vers les siens. Du bonheur en étoiles les illuminait.
    — Je ne pouvais pas, Djem. Je ne pouvais plus…
    Il ne la laissa pas davantage s'excuser. Lui non plus ne vivait plus depuis quelques jours. L'attente le creusait. L'angoisse aussi. Il prit ses lèvres avec la fougue d'un pur-sang avide de plaines à découvrir, de monts à escalader. Plus de langage fleuri, de banalités codées, de faux-semblants. Ils n'avaient plus le temps.
    — Je vous aime tant, murmura-t-elle dans ce souffle qu'ils reprenaient entre deux baisers avides.
    — Je vous aime aussi, Hélène, ma vie, mon âme.
    Ils s'étreignirent avec la force des naufragés, longuement, férocement, sans échanger d'autres mots. Conscients qu'ils contenaient l'essence même de tous les autres. Imprononçables.
    Et puis Djem l'écarta, délicatement, déchiré de le devoir si vite.
    — Je ne peux rester davantage sans vous compromettre. J'ai soudoyé les gardes mais je ne veux pas risquer qu'ils me vendent aussi à leur maître.
    Elle s'accrocha à lui, les yeux noyés.
    — Ne partez pas. Non, point encore. C'est si peu. Si peu, Djem.
    Il la reprit contre lui, lissa ses cheveux noués sur le côté, perdit ses lèvres dans leur parfum de rose, chercha le creux de l'oreille.
    — Il le faut, mon Hélène. Gardez confiance, je vous en conjure. Je ne vous quitte que pour mieux vous retrouver.
    Elle s'écarta, bouleversée.
    — Quand ? Dans trois jours je serai épousée.
    Il secoua la tête. Chuchota, les yeux dans les siens, brûlants de l'éclat des cierges.
    — Je ne peux rien vous dire. Rien encore. Tout ira bien, je vous le promets.
    Il s'écarta, recula jusqu'à la porte en la maintenant loin de lui par la force de ses bras tendus. Lâcha ses poignets pour relever le loquet et s'enfuit dans l'obscurité du corridor comme l'homme traqué qu'il était.
    Philippine sentit ses forces lui manquer. Titubante, elle parvint devant l'autel, s'y agenouilla, les mains jointes, les joues inondées, et se mit à prier.
    Trois jours.
    Elle y mit toute sa piété.
     

27
    Ce 25 juillet de l'an de grâce 1484, le veilleur passa sous la fenêtre ouverte de la chambre de Philippine, balançant sa lanterne et sa voix monocorde.
    — Dormez, gens de bien et de qualité, dormez l'esprit léger ! Avant de s'éloigner d'un pas lent.
    Assise en tailleur sur le lit, les yeux cernés à l'extrême, Philippine savait que cette dernière nuit ne lui apporterait pas davantage de sommeil que les précédentes. C'était fini. Envolés, ses espoirs maintenus à grand renfort de prières. Tout était prêt pour les noces. Pas un recoin du château n'était épargné des gens en

Weitere Kostenlose Bücher