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Le Chant des sorcières tome 3

Le Chant des sorcières tome 3

Titel: Le Chant des sorcières tome 3 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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nombre que son père y logeait. La table du banquet était dressée, fleurie pour plus de six cents convives. Les marmitons travailleraient encore la nuit durant sans doute, tout comme les panetiers, mais nul ne le verrait. Les amuseurs avaient pris place dans la grande salle de festoie. Couchés à même le sol sur des couvertures, ils dormaient sans doute déjà pour mieux les régaler demain.
    Suspendue par les épaules à un cintre de bois, près de son lit, la robe écarlate de la mariée resplendissait à la lumière des bougies de tout l'éclat des pierreries enchâssées dans les broderies. Le dernier essayage avait été consenti par Philippine après le dîner.
    Elle était seule depuis. Algonde avait raccompagné la couturière. Elle n'avait pas reparu, malgré ses coups de sonnette. S'il n'y avait eu dans sa chambre petite Elora couchée dans son berceau sous la garde de sa nourrice, Philippine aurait pu croire qu'Algonde l'avait abandonnée. Son absence ne la rassurait pas pour autant. De fait rien ne la rassurait. Elle n'était qu'angoisse et devait se retenir pour ne pas se jeter sur sa toilette d'épousailles et la lacérer. La seule chose qui l'en empêchait était la crainte de représailles contre sa mère.
    Elle était épuisée. Son père, qu'elle était allée embrasser dans son bureau au soir venu, l'avait engagée à se reposer.
    — Demain tout ira mieux, crois-moi, lui avait-il certifié en lui tapotant la joue.
    — Tu m'avais promis… avait-elle commencé.
    Il l'avait fait taire d'un regard sévère.
    — Et je tiens toujours mes promesses. Allons ma fille, le front haut et le sourire aux lèvres. Je n'ai d'autre conseil à te donner.
    Sur ce, il l'avait congédiée. Se moquait-il d'elle ? Ne l'aurait-elle si bien connu, elle l'aurait pensé. Alors quoi ? Voulait-il tromper Marthe par ces préparatifs ? Possédait-il quelque atout dans sa manche à brandir au nez de l'évêque ? A la vérité, elle ne savait plus quoi penser, qui croire ni à quel saint se vouer. Elle ne voyait qu'une chose. Les heures s'égrenaient au balancier de la pendule dont le tic-tac tout proche la glaçait.
    Un sanglot lui monta en gorge. Elle aurait voulu l'expulser dans un torrent de larmes, mais rien ne vint sinon des coups frappés à sa porte.
    — Qu'est-ce ? demanda-t-elle, affermissant sa voix.
    — Philibert. Puis-je entrer ?
    La nausée la prit tant qu'elle dut s'agripper d'une main au montant du lit pour chasser son vertige
    — Non. Allez-vous-en… C'est malheur de voir la toilette de son épousée avant les noces, argua-t-elle pour s'en débarrasser.
    Un rire lui répondit derrière l'épaisseur de l'huis.
    — Soit. Je ne voudrais en rien le provoquer. Je voulais seulement vous souhaiter une heureuse nuit et vous dire combien je me réjouissais. C'est fait, je vous quitte.
    Un silence. Un toussotement.
    — Une chose encore, ma mie. Afin de garantir votre sommeil, j'ai pris sur moi de placer un garde à votre porte, j'espère que vous m'en saurez gré.
    Pour toute réponse, dans un sursaut de révolte, elle projeta avec violence contre le bois le bougeoir de son chevet. Il se disloqua sous l'impact. Les pas s'éloignèrent. Elle était prisonnière. Cet être n'était que malfaisance. Il n'avait aucune pitié. Aucune. Cette fois les sanglots l'emportèrent. Neuf coups sonnèrent à la pendule. Une heure de plus de passée.
     
    Trois autres s'écoulèrent encore. Par-delà la croisée, il faisait nuit noire. Enroulée en boule dans sa couverture, Philippine s'était tant mutilé ses jolis ongles peints, à les ronger, que du sang maculait les draps. Le bout des doigts en feu, elle continuait pourtant, comme un animal pris dans un collet qui, malgré la douleur, se dévorerait une patte dans l'espoir de se libérer.
    À la demie de minuit, la porte de communication avec la chambre d'Algonde s'ouvrit discrètement. Philippine n'entendit pas venir sa chambrière, trop absorbée par sa douleur physique et morale que rien ne voulait guérir. Elle sursauta lorsqu'une main se posa sur son épaule.
    — Lève-toi, ordonna Algonde.
    — C'est l'heure ? Déjà ? se mit-elle à trembler en mordillant plus fort son index, certaine d'avoir perdu le compte. D'avoir tout perdu.
    Algonde écarta les draps, lui sortit les doigts de la bouche et, découvrant le carnage, les embrassa.
    — Pardon de t'avoir laissée ainsi te morfondre, mais je n'avais pas le choix. Allons, debout, il faut

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