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Le chant du départ

Le chant du départ

Titel: Le chant du départ Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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qui permettra de franchir l’Adda, un aide de camp surgissant tout à coup, l’uniforme blanc de poussière, annonce que les Autrichiens ont contre-attaqué. Les troupes du général Laharpe ont été saisies dans la nuit par la panique. Laharpe a été tué par les balles de ses propres soldats, qui l’ont confondu avec un parti de cavaliers ennemis.
    En avant, plus vite .
     
    Le 10 mai, Napoléon entre dans Lodi. Des milliers d’hommes sont là déjà, ceux des divisions Masséna et Augereau. Ils piétinent dans les ruelles. Napoléon, suivi par sa brigade de grenadiers, se dirige vers les berges enveloppées de fumée.
    Le pont de l’Adda est battu en enfilade par une vingtaine de canons autrichiens qui tirent à la mitraille. Des morts et des blessés jonchent le tablier. On entend le sifflement des balles.
    On tire de rive à rive.
    C’est à moi. Un mouvement de tout le corps l’emporte, le pousse en avant, sabre au clair, sur le pont, dans la grêle des balles et dans la mitraille.
    Il faut passer. L’avenir est au bout de ce pont, sur l’autre rive du fleuve.
    Il n’entend rien, seulement son coeur que la course fait exploser dans sa poitrine.
    Les grenadiers suivent. La cavalerie traverse le fleuve à gué, en amont. L’ennemi est contraint de reculer. Les grenadiers reprennent leur souffle, s’appuyant à leurs fusils, debout au milieu des corps étendus. Napoléon les regarde. Ils s’approchent de lui. Il a su comme eux, comme un soldat du rang, accepter le risque de mourir. Les grenadiers lèvent leurs fusils, lancent des cris. Ils sont vivants. Ils sont victorieux. Vive le général Bonaparte !
    Il s’est battu comme un « petit caporal », dit un grenadier. Vive le petit caporal !
    Là où François I er a été vaincu, dans cette plaine du Pô, il est victorieux.
    Il entre dans Crémone. Il exige de Parme une contribution de deux millions de francs-or, et la fourniture de dix-sept cents chevaux.
    Les fermes ouvrent leurs greniers. Les villes, leurs coffres et leurs musées. Le parmesan est savoureux, accompagné de pain de froment et de lambrusco, ce vin qui pétille. Les maisons, les châteaux, les églises regorgent de tableaux dont on remplit des voitures et qu’on expédie à Paris.
    Les soldats chantent et rient, la bouche rougie par l’écume du vin. Des patriotes italiens viennent à la rencontre de Napoléon. Il écoute les cris de la foule : « Viva Buonaparte, il liberatore dell’Italia ! »
    Saliceti, commissaire à l’armée d’Italie, Saliceti, le dénonciateur repenti, l’habile et le tortueux, favorise cette explosion nationale en faveur de l’unité italienne.
    Milan se donne.
    Cette ville, ces arcs de triomphe, en ce jour de l’Ascension 1796, ces femmes qui s’avancent les bras chargés de fleurs, ce palais Serbelloni qui ouvre ses portes, ces acclamations sont pour moi .
    Napoléon s’installe dans l’une des grandes pièces lambrissées du palais. Il vient d’apprendre qu’à Paris la paix a été signée avec le Piémont. Nice et la Savoie deviennent françaises.
    C’est lui qui a mis ce roi du Piémont à sa discrétion.
    Il écrit au Directoire : « Si vous me continuez votre confiance, l’Italie est à vous. »
    À eux ? Ou à moi ?
    Cette pensée fulgurante l’éblouit. Peut-être peut-il tout ?
    — Je vois le monde fuir sous moi, murmure-t-il, comme si j’étais emporté dans les airs.
    Il appelle Marmont.
    — Ils n’ont encore rien vu, dit-il.
    Le parquet roux, ciré, craque sous ses bottes.
    Napoléon compulse les papiers jetés en désordre sur une table de marbre. Il énumère d’une voix voilée de mépris :
    — La province de Mondovi donnera un million de contributions. Je mets à la disposition du Directoire deux millions de bijoux et d’argent en lingots, plus vingt-quatre tableaux, chefs-d’oeuvre des maîtres italiens. Et les Directeurs peuvent compter sur une dizaine de millions de plus.
    Sont-ils satisfaits ?
    Marmont tend un pli qu’un courrier vient d’apporter du Directoire. D’un geste brusque, Napoléon le décachette puis parcourt la lettre.
    Les Directeurs lui conseillent de se diriger vers l’Italie du Centre et du Sud, Florence, Rome, Naples, cependant que le général Kellermann le remplacerait à Milan et en Lombardie.
    Il s’est immobilisé au milieu de la pièce comme s’il avait reçu un coup. Il s’est plié, rentrant un instant les épaules. Ainsi, on veut le déposséder, l’éloigner, peut-être pour

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