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Le chant du départ

Le chant du départ

Titel: Le chant du départ Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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Laurenti et sa fille Emilie. Dix-huit mois seulement ont passé depuis qu’on lui notifiait son arrestation ici, dans cette maison. Qui pourra jamais entraver sa marche ? La mort seule, et elle lui semble impossible. Il n’a pas vingt-sept ans.
    Des officiers l’entourent. La route de la corniche qu’il a choisie est exposée au feu des canons des vaisseaux anglais qui croisent à portée du rivage. Il est imprudent de l’emprunter, disent-ils. Il semble ne pas avoir entendu, embrasse Laurenti et sa fille.
    Un chef doit donner l’exemple et ne pas hésiter à marcher sous le feu.
    Leste, il bondit sur son cheval et, à la tête de son état-major, prend la route de la corniche.
    Les falaises blanches tombent à pic dans une mer calme. L’horizon est vide de toute voile.
    Napoléon se tourne vers Berthier qui chevauche à une tête de cheval derrière lui.
    — La témérité, dit-il, réussit autant de fois qu’elle se perd : pour elle, il y a égalité de chances dans la vie… À la guerre, la fortune est de moitié dans tout.
    Il se tait quelques minutes, puis reprend :
    — À la guerre, l’audace est le plus beau calcul du génie… Il vaut mieux s’abandonner à sa destinée.
    Le 3 avril, le quartier général est à Menton, le 5 à Albenga.
    Les généraux sont là, autour de lui dans une grande pièce blanche, devant une grande table où sont étalées les cartes.
    Leurs corps, leurs visages, leurs armes, leurs uniformes expriment la force, la puissance.
    Mais ils n’osent pas me regarder.
    — Hannibal a passé les Alpes, dit Napoléon. Nous les avons tournées.
    La campagne d’Italie peut commencer.

22.
    Napoléon regarde les bataillons de grenadiers s’engager d’un pas rapide sur la route étroite qui conduit au col de Cadibone. La pente est raide. La montagne domine la mer comme une barrière étroite et haute qui sépare la côte méditerranéenne du Piémont et, au-delà, de la Lombardie.
    Il tire sur les rênes du cheval. Les montures des officiers d’état-major hennissent. En cette aube du 10 avril 1796, le vent souffle de la montagne, apporte les senteurs froides des forêts et des prairies et courbe les lauriers et les fleurs du bord de mer.
    Ici, la paix. Passé le col, la guerre.
    Les Autrichiens des généraux Beaulieu et Argenteau attendent tout près du col, à Montenotte et à Diego. Les Piémontais du général Colli sont un peu en retrait plus à l’ouest, à Millesimo, et plus haut encore dans les montagnes, à Mondovi.
    Napoléon engage son cheval sur la route. Les officiers le suivent, les soldats piétinent puis se remettent en marche derrière l’état-major.
    Napoléon ne baisse pas la tête vers les hommes, qui s’écartent, ouvrant leurs rangs pour qu’il passe.
    Il faut savoir envoyer ces hommes-là par centaines, par milliers, à la mort. De leur acceptation du sacrifice dépend la réalisation de ses projets.
    Toute la nuit, à Albenga, il s’est laissé porter par l’imagination.
    Il a vu les Autrichiens refoulés vers la Lombardie, les Piémontais battus, contraints de demander la paix. Pour cela, il faut frapper entre eux, les diviser, les battre séparément et, une fois le Piémont à genoux, poursuivre les Autrichiens vers la vallée du Pô, vers Lodi, vers Milan.
    Tout dépend de ces hommes-là qui avancent sur les bas-côtés de la route et doivent accepter la mort. Ils doivent marcher nuit et jour pour aller plus vite d’un point à un autre, surprendre l’ennemi là où il ne les attend pas. Être toujours plus nombreux là où l’on attaque.
    Alors, qu’importe qu’il y ait soixante-dix mille Autrichiens et Piémontais, si les soldats de l’armée d’Italie déferlent et submergent des unités plus faibles au moment de l’attaque !
    Napoléon presse son cheval.
    Il fait un signe aux officiers et aux sous-officiers qui marchent près de leurs hommes. Il faut hâter le pas.
    Au moment où il s’éloigne, il entend les ordres lancés d’avoir à accélérer la cadence.
    Marcher pour mourir, marcher pour tuer.
    Commander, c’est savoir où l’on va faire mourir des hommes, où l’on va tuer des hommes.
    Commander, c’est savoir mourir. Savoir ordonner le sacrifice. Et, pour cela, il faut que la pensée soit tendue comme un arc et que les mots jaillissent comme des flèches.
     
    On se bat au sud de Montenotte. Qui ? Le chef de brigade Rampon, qui résiste aux assauts des Autrichiens d’Argenteau.
    Napoléon sort de sa tente. Le champ

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