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Le chant du départ

Le chant du départ

Titel: Le chant du départ Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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d’autres saluent familièrement « notre petit caporal ».
    Des aides de camp bondissent de cheval, apportent un pli.
    Des tuniques blanches de fantassins autrichiens ont été vues dans les faubourgs de la ville. « Il faut quitter Vérone, général. » Les avant-gardes de Wurmser sont donc déjà parvenues à ce point. D’autres courriers annoncent que plus à l’ouest les troupes du général Quasdonovitch ont atteint Brescia. Les divisions de Masséna et d’Augereau ont reculé. Des uhlans s’aventurent loin en avant. Ils sont dans les environs de Mantoue. Ils attaquent les convois et les voitures isolées.
    Napoléon sent dans l’attitude des officiers, il voit sur le visage des soldats l’inquiétude et l’angoisse, la peur de la défaite, la tentation de la fuite. Dans quelques heures, tout ce qu’il a gagné depuis le début de la campagne d’Italie sera peut-être perdu.
    Il voudrait tant pouvoir un moment se laisser aller, trouver un appui, solliciter un conseil. Il a la sensation d’être écrasé par toutes les décisions qu’il doit prendre. Il doute de lui-même.
    Il convoque les généraux qui sont sous ses ordres. Peut-être est-ce une erreur ? Mais Wurmser et Quasdonovitch avancent, victorieux.
    Augereau, Masséna, Sérurier entrent dans la pièce, et immédiatement Napoléon sait qu’il ne peut rien attendre d’eux.
    Commander en chef, c’est être seul.
    Alors, calmement, comme s’il ne sentait pas en lui cette anxiété qui le ronge, il dit que la force d’une armée, « comme nous l’a enseigné Guibert », est le produit de la vitesse par la masse. Il faut donc déplacer les troupes à grande allure. Marcher de nuit et de jour afin de surprendre l’ennemi. Le battre. Et marcher, marcher encore jusqu’à un autre objectif.
    Il décide donc de lever le siège de Mantoue, ce qui étonnera et troublera les Autrichiens, puis d’aller vers le nord avec toutes les troupes afin de battre Quasdonovitch et de revenir affronter Wurmser, qui s’imaginera avoir emporté une grande victoire en libérant Mantoue, « que nous aurons délibérément abandonnée ».
    — Lever le siège de Mantoue…, commence à objecter Sérurier.
    — Lever le siège, répète Napoléon d’une voix coupante. Et marcher.
    Il est seul. Cela épuise. S’il pouvait se confier, être rassuré, consolé, aimé. Pouvoir un seul instant tomber l’armure, ne plus être seul, quelle paix !
    Mais il est seul.
     
    « Il y a deux jours que je suis sans lettre de toi, écrit-il en s’efforçant de bien former les caractères pour que Joséphine puisse le lire sans trop d’impatience. Voilà trente fois aujourd’hui que je me suis fait cette observation. Je fais appeler le courrier, il me dit qu’il est passé chez toi et que tu lui as dit que tu n’avais rien à lui ordonner. Fi ! Méchante, laide, cruelle, tyranne, petit joli monstre ! Tu te ris de mes menaces et de mes sottises ! Ah, si je pouvais, tu sais bien, t’enfermer dans mon coeur, je t’y mettrais en prison. »
    Cette idée de retenir Joséphine, de ne plus être seul devient obsédante. S’il pouvait posséder au moins cela, une femme aimée, qui ne fuie pas, qui ne serait pas comme la victoire définitive, qui n’est jamais acquise, il lui semble qu’il serait apaisé.
    Il l’écrit.
    « J’espère que tu pourras m’accompagner à mon quartier général pour ne plus me quitter. N’es-tu pas l’âme de ma vie et le sentiment de mon coeur ? »
    Le lendemain, 22 juillet 1796, il insiste : « Tu me dis que ta santé est bonne ; je te prie en conséquence de venir à Brescia. J’envoie à l’heure même Murat pour te préparer un logement dans la ville, comme tu le désires… Porte avec toi ton argenterie et une partie des objets qui te sont nécessaires. Voyage à petites journées et pendant le frais afin de ne pas te fatiguer… Je viendrai à ta rencontre le 7, le plus loin possible. »
    Écrire à Joséphine, exprimer cette passion amoureuse, c’est ne pas être seul, c’est oublier, le temps de l’écriture, la guerre. Comme si brusquement n’existait pour lui que cette femme, cet amour. Il ouvre des lettres qui sont destinées à Joséphine, comme s’il violait une place forte. Puis il s’excuse, il s’humilie, il promet que c’est la dernière fois, et lui, qui fait plier le genou aux Autrichiens de Wurmser et aux Croates de Quasdonovitch, il sollicite le pardon : « Si je suis coupable, je te rends grâce. »
    Il se sent

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