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Le chant du départ

Le chant du départ

Titel: Le chant du départ Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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et encore amaigri.
    — L’on se coalise de tous côtés contre nous, dit-il. Le prestige de nos troupes se dissipe. On nous compte. L’influence de Rome est incalculable. Rome arme, fanatise le peuple.
    Il s’interrompt :
    — Il faut adopter un système qui puisse nous donner des amis, tant du côté des peuples que du côté des princes.
    Puis il croise les bras, lance :
    — On peut tout faire avec des baïonnettes sauf s’asseoir dessus.
    Il faut donc agir avec d’autres armes.
    — La politique, dit-il, les institutions.
    Il se souvient de ses lectures. Il pourrait réciter toutes les notes qu’il a prises à Paris ou Valence quand il s’abreuvait de livres d’histoire. Il se remémore les Institutes de Justinien . Pourquoi ne pas créer ici, au coeur de l’Italie, des républiques alliées, comme la Rome antique en avait fait naître autour d’elle ?
    — Le Directoire exécutif…, interrompt Miot.
    Napoléon a un geste d’irritation. Que savent les Directeurs ? Que font-ils ? Il leur a écrit. Il a réclamé « des troupes, des troupes si vous voulez conserver l’Italie ». Ils ont répondu par des conseils de prudence. Il ne faut pas favoriser les patriotes italiens, ont-ils dit.
    — Il faudrait au contraire, reprend Napoléon, réunir un congrès à Bologne et Modène, et le composer des États de Ferrare. Bologne, Modène et Reggio. Ce congrès formerait une légion italienne, constituerait une espèce de fédération, une république.
    Miot s’affole. Ce ne sont pas là les orientations du Directoire.
    Napoléon hausse les épaules.
    Le 15 octobre, la réunion se tient à Modène en sa présence, et les cent députés proclament la république Cispadane.
     
    La puissance, la politique, le diplomatie : il commence à goûter ces fruits-là, que la victoire des armes permet de cueillir et dans lesquels il peut mordre, parce qu’il est le général en chef de ces soldats vainqueurs.
    Le commandeur d’Este, frère du duc de Modène, demande à être reçu. Saliceti, tortueux et tentateur, s’approche, murmure que l’envoyé de Modène transporte quatre millions en or dans quatre caisses.
    — Je suis de votre pays, dit Saliceti. Je connais vos affaires de famille. Le Directoire ne reconnaîtra jamais vos services. Ce qu’on vous offre est bien à vous, acceptez-le sans scrupule et sans publicité ; la contribution du duc en sera diminuée d’autant, et il sera bien aise d’avoir acquis un protecteur.
    — Je veux demeurer libre, dit Napoléon.
    Un représentant du gouvernement de Venise offre peu après sept millions en or.
    D’un geste, Napoléon renvoie le financier.
    Que sont ces sommes qu’on lui propose, alors qu’il sent monter en lui des désirs et des ambitions immenses ? Il ne veut pas de ces petits pourboires de la puissance. Il veut la puissance. Il veut se servir de la politique et de la diplomatie pour d’autres desseins que de remplir sa cassette personnelle. De toute manière, elle sera pleine s’il réussit. Quoi ? Lorsqu’il cherche à savoir ce qu’il désire, il ne réussit jamais à le définir. Il veut grand, il veut plus. Il ne conçoit pas qu’il y ait des limites. Et il commence, maintenant qu’il a côtoyé beaucoup d’hommes qui comptent dans ces riches petits États, duc, comtes, princes, à penser que personne ne peut le contraindre, parce qu’il se sent plus fort que tous ceux qu’il a rencontrés. N’a-t-il pas battu les généraux autrichiens ?
    Il écrit sur un ton de commandement à l’empereur d’Autriche.
    « Majesté, l’Europe veut la paix. Cette guerre désastreuse dure depuis trop longtemps.
    « J’ai l’honneur de prévenir Votre Majesté que, si elle n’envoie pas des plénipotentiaires à Paris pour entamer les négociations de paix, le Directoire exécutif m’ordonne de combler le port de Trieste et de ruiner tous les établissements de Votre Majesté sur l’Adriatique. Jusqu’ici, j’ai été retenu dans l’exécution de ce plan par l’espérance de ne pas accroître le nombre des victimes innocentes de cette guerre.
    « Je désire que Votre Majesté soit sensible aux malheurs qui menacent ses sujets, et rende le repos et la tranquillité au monde.
    « Je suis, avec respect, de Votre Majesté,
    « Bonaparte. »
    La signature claque comme un défi, au bas de ce qui est, il le sait, un véritable ultimatum.
    Au souvenir de ce texte, dans les grandes salles glacées du palais des Scaliger à Vérone, Napoléon est saisi

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