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Le chant du départ

Le chant du départ

Titel: Le chant du départ Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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Constituante : « Ô Lameth, Ô Robespierre, Ô Pétion, Ô Volney, Ô Mirabeau, Ô Barnave, Ô Bailly, Ô La Fayette, voilà l’homme qui a osé s’asseoir à côté de vous ! »
    Mais Paoli, d’un ton sec, répond à Napoléon qu’il faut « dire moins et montrer moins de partialité ».
    Napoléon serre les dents. Il y a longtemps qu’on ne lui fait plus la leçon. D’ailleurs, a-t-il jamais accepté qu’on le morigène ?
    Mais il doit poursuivre sa lecture.
    « Ne vous donnez pas la peine de démentir les impostures de Buttafoco, continue Paoli… Laissez-le au mépris et à l’indifférence du public. »
    C’est comme si Napoléon recevait un soufflet.
    Mais il a choisi d’être l’homme de Pascal Paoli. Alors, il subit en silence le camouflet.
    Heureusement, dans les derniers jours du mois de janvier 1791, les vents tournent.
    Napoléon, accompagné jusqu’à la passerelle par sa mère, ses frères et ses soeurs, ainsi que par ses amis du Globo Patriottico , peut embarquer avec son frère Louis pour la France.
    Sur le pont, à la poupe, tenant par l’épaule son jeune frère, il doute.
    Son destin est dans l’île. Il le veut ainsi, il le croit. Et cependant, lorsque le navire prend le large et que les sommets de la Corse s’effacent sur la ligne d’horizon, Napoléon, pour la première fois, ne ressent aucun arrachement.
    Quelque chose, en lui, a changé.

10.
    Il est trois heures et demie de l’après-midi, ce 8 février 1791. Napoléon marche d’un bon pas sur la route de Lyon.
    Au loin, sous un ciel bas qui annonce la neige, il distingue le clocher de Saint-Vallier-du-Rhône. À quelques centaines de mètres seulement, il aperçoit les premières maisons, des cabanes plutôt, d’un petit village.
    Il fait froid mais, comme souvent avant la chute des flocons, une douceur humide imprègne l’atmosphère.
    De temps à autre, Napoléon se retourne. Son jeune frère Louis s’est laissé distancer à dessein. Il n’a que treize ans. Il eût aimé rester à Valence, attendre le départ de la diligence.
    « Nous allons marcher jusqu’au village de Serve », a dit Napoléon après avoir consulté le cocher. La diligence s’arrêtera lorsqu’elle passera.
    Voici Serve. L’obscurité tombe tout à coup. Un paysan lui ouvre sa porte. Il salue l’officier et le jeune garçon, les accueille. Ils attendront là la diligence qui traversera la village au début de la nuit, avant d’atteindre Saint-Vallier-du-Rhône et d’y faire étape.
    Napoléon s’installe, offre une pièce. Sa pensée a besoin de s’exprimer. Il dialogue longuement avec le paysan. Louis somnole. Puis on lui apporte la chandelle. Il sort de sa sacoche le nécessaire d’écriture. Il commence une lettre à son oncle Fesch.
    « Je suis dans la cabane d’un pauvre d’où je me plais à t’écrire. Il est quatre heures du soir, le temps est frais quoique doux. Je me suis amusé à marcher… J’ai trouvé partout des paysans très fermes sur leurs étriers, surtout en Dauphiné. Ils sont tous disposés à périr pour le maintien de la Constitution.
    « J’ai vu à Valence un peuple résolu, des soldats patriotes et des officiers aristocrates… Les femmes sont partout royalistes. Ce n’est pas étonnant. La liberté est une femme plus jolie qui les éclipse. »
    Il s’interrompt. Louis s’est endormi. Il pense à la situation en Corse. Les hommes qu’il a rencontrés à Valence lui ont paru moins compétents que ceux d’Ajaccio.
    « Il ne faut pas tant plaindre notre département », écrit-il. Mais pour attirer l’attention sur l’île « il faudrait que la société patriotique d’Ajaccio fît présent d’un habillement corse complet à Mirabeau, c’est-à-dire d’une barrette, veste, culotte et caleçon, cartouchière, stylet, pistolet et fusil, cela ferait un bon effet ».
    Napoléon suspend son écriture. Ce bruit de roues et de sabots qui s’amplifie, c’est la diligence. Il réveille Louis, trace une dernière phrase. « Je vous embrasse, mon cher Fesch, la voiture passe. Je vais la joindre. Nous coucherons à Saint-Vallier. »
     
    Dans la diligence, il retrouve les voyageurs quittés à Valence.
    Les conversations reprennent. Napoléon défend la Constituante. Il dénonce les partisans de l’Ancien Régime, « qui ne reviendra pas », martèle-t-il.
    « La bonne société est aux trois quarts aristocrate, ajoute-t-il, c’est-à-dire qu’ils se couvrent du masque des partisans de la Constitution

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