Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le chant du départ

Le chant du départ

Titel: Le chant du départ Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
Vom Netzwerk:
région.
    Il est à l’affût d’une idée ! Comment sortir de cette passe dans laquelle il se sent enfermé ?
    Lorsqu’il apprend que la garnison française de Mayence a dû capituler devant l’ennemi, il prend aussitôt la plume et adresse au citoyen-ministre une demande d’affectation à l’armée du Rhin, en qualité de lieutenant-colonel. Il faut aller là où il y a des risques. Il faut en ce moment, pour bâtir son destin, jouer fort et clair. Le ministre pensera qu’il s’agit là de la « proposition d’un patriote ».
    Et il faut être patriote. Clamer sa fidélité à un camp, puisqu’on s’y trouve. Et tout faire pour que ce camp l’emporte. « S’il faut être d’un parti, autant être de celui qui triomphe, mieux vaut être mangeur que mangé. »
    Mais la réponse du ministre tarde, et Napoléon se morfond en Avignon, attendant qu’on livre les pièces et les munitions qu’il doit conduire à Nice.
    Comment forcer les portes, faire savoir qu’on existe, qu’on est un partisan déterminé du pouvoir et qu’on peut être distingué et promu ?
     
    Écrire ? Ce peut être le moyen de sortir de l’ombre.
    Napoléon s’installe à sa table. Il écrit dans la nuit chaude de cette fin du mois de juillet avignonnaise.
    La plume court plus vite encore qu’à l’habitude, la phrase est brève et nerveuse.
    D’abord le titre, trouvé d’emblée : Souper de Beaucaire, ou dialogue entre un militaire de l’armée de Carteaux, un Marseillais, un Nîmois et un fabricant de Montpellier, sur les événements qui sont arrivés dans le ci-devant Comtat à l’arrivée des Marseillais .
    Une vingtaine de pages en faveur de la Convention, contre l’insurrection fédéraliste. Il invente cette conversation qui lui permet de mettre dans la bouche du Marseillais partisan de la révolte les arguments que le « militaire » réfutera.
    « Ne sentez-vous pas que c’est un combat à mort que celui des patriotes et des despotes ? » dit-il.
    Il raisonne, sans passion. La phrase parfois s’enflamme, mais elle reste au service de l’analyse. Point par point, Napoléon démontre que les forces révolutionnaires vont écraser les rebelles. Que les intentions de ces derniers, bonnes ou mauvaises, ne comptent pas.
    « Ce n’est plus aux paroles qu’il faut s’en tenir, il faut analyser les actions. » Et il ne suffit pas de brandir le drapeau tricolore. Paoli ne l’a-t-il pas agité en Corse alors qu’il « entraînait ses compatriotes dans ses projets ambitieux et criminels » ? Et Napoléon trace la conclusion d’une plume ferme : « Le centre d’unité est la Convention, c’est le vrai souverain, surtout lorsque le peuple se trouve partagé. »
    Il relit puis, sans même avoir dormi, dès le matin, il apporte les feuillets chez l’imprimeur Sabin Tournai, qui édite Le Courrier d’Avignon . Il les pose sur la table de l’imprimeur. Sabin Tournai les prend, les parcourt. C’est un patriote. Il imprimera le texte dans les mêmes caractères et sur le même papier que ceux du journal.
    — Qui paiera ? demande-t-il.
    Napoléon sort des pièces :
    — Moi.
    Tournai indiquera donc sur la copie : « Aux frais de l’auteur. »
    Napoléon approuve. Il faut savoir miser. Il veut les épreuves dès la fin de l’après-midi de ce 29 juillet 1793. Il les expédiera lui-même aux représentants en mission auprès de l’armée de Carteaux, Saliceti et Gasparin.
     
    Quelques jours plus tard, on frappe à la porte de l’hôtel où loge Napoléon.
    Il ouvre. Un soldat lui tend un paquet contenant une dizaine de brochures intitulées simplement Le Souper de Beaucaire , éditées par l’imprimeur de l’armée Marc Aurel.
    Le soldat précise que les troupes distribuent cette brochure au cours de leur marche.
     
    Napoléon sait qu’il a remporté une victoire. Il n’est plus ce simple capitaine d’artillerie chargé de convoyer des barils de poudre et du matériel jusqu’à Nice.
    Il a joué sur le terrain politique, puisque la politique, il l’a découvert en Corse, est le grand ressort qui décide en ce moment du destin des hommes.
    Et qui veut avancer doit prendre parti.
    Il a choisi contre les factions, pour « le centre d’unité qu’est la Convention ».
    Ce n’est pas une question d’idées, mais le fruit d’une conviction, forgée aussi bien au spectacle tragique du 10 août 1792 à Paris que de l’expérience acquise à Ajaccio. Le pouvoir doit être un . La Convention est ce pouvoir.

Weitere Kostenlose Bücher