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Le chant du départ

Le chant du départ

Titel: Le chant du départ Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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fort, pour que les officiers qui l’entourent l’entendent :
    — J’ai été un peu affecté de la catastrophe de Robespierre, que j’aimais un peu et que je crois pur, mais fût-il mon frère, je l’aurais moi-même poignardé s’il aspirait à la tyrannie.
    Il attend.
    Il croise Saliceti, dont le regard se détourne. Il cherche à rencontrer Ricord, mais on le dit en fuite. Il aurait gagné la Suisse.
    Le 9 août, lorsque les gendarmes se présentent à la maison Laurenti pour lui signifier qu’il est décrété d’arrestation, de l’ordre des représentants Saliceti et Albitte, qui a remplacé Ricord, Napoléon ne manifeste aucune émotion.
    Laurenti s’interpose, propose une caution pour permettre à Napoléon de demeurer aux arrêts dans leur maison.
    On apprend à Napoléon qu’on le soupçonne d’être un partisan de Robespierre. Pourquoi s’est-il rendu à Gênes ? Des commissaires de l’armée des Alpes prétendent même qu’en Italie un million a été mis à sa disposition par les émigrés pour le corrompre.
    Saliceti ajoute une phrase :
    — Il y a sur Bonaparte de forts motifs de suspicion, de trahison et de dilapidation.
     
    Il a été finalement conduit au Fort-Carré d’Antibes sous bonne escorte. De la fenêtre de la pièce où il est enfermé, il aperçoit le Château-Salé.
    Il se tient d’abord recroquevillé sur lui-même.
    Il pense à Saliceti qui l’a dénoncé, trahi pour se sauver. Lâcheté des hommes. Il pense à ce destin qui l’a mené si haut déjà, en si peu de mois, et maintenant, alors qu’il va avoir vingt-cinq ans, qui le précipite à terre, promis à la guillotine.
    Accepter ce destin, ou se relever comme après une chute dans une charge ? Il demande une plume et du papier. Il va écrire aux représentants en mission. Il va se redresser.
    « Vous m’avez suspendu de mes fonctions, écrit-il, arrêté et déclaré suspect. Me voilà flétri sans avoir été jugé ou bien jugé sans avoir été entendu. Depuis l’origine de la Révolution, n’ai-je pas toujours été attaché aux principes ? J’ai sacrifié le séjour de mon département, j’ai abandonné nos biens, j’ai tout perdu pour la République. Depuis, j’ai servi sous Toulon avec quelque distinction et mérité à l’armée d’Italie la part de lauriers qu’elle a acquise. L’on ne peut donc me contester le titre de patriote. »
    Saliceti, tu me connais ! As-tu rien vu de suspect dans ma conduite de cinq ans qui soit suspect à la Révolution ?
    « Entendez-moi, détruisez l’oppression qui m’environne et restituez-moi l’estime des patriotes !
    « Une heure après, si les méchants veulent de ma vie, je la leur donnerai volontiers, je l’estime si peu, je l’ai souvent méprisée ! Oui, la seule idée qu’elle peut être encore utile à la patrie me fait en soutenir le fardeau avec courage. »
    Il donne la lettre au factionnaire.
    Napoléon est debout. Il entend les coups de la mer contre les rochers qui entourent le fort.
    Il sera un bloc.
    Dans la nuit, un soldat lui glisse un projet d’évasion que Junot, Sébastiani et Marmont ont mis au point.
    Il écrit à nouveau :
    « Je reconnais bien ton amitié, mon cher Junot… Les hommes peuvent être injustes envers moi, mais il me suffit d’être innocent, ma conscience est le tribunal où j’évoque ma conduite.
    « Cette conscience est calme quand je l’interroge. Ne fais donc rien, tu me compromettrais.
    « Adieu, mon cher Junot, salut et amitié,
    « Bonaparte, en arrestation au Fort-Carré (Antibes). »
    Il ne dort pas.
    Des hommes trahissent. D’autres demeurent fidèles. On se désespère ou on se réchauffe quand on apprend les actions des uns ou des autres.
    Mais il ne faut compter que sur soi. Ne faire confiance qu’à soi.
     
    Il sait qu’à Nice ses aides de camp harcèlent les représentants en mission et le général Dumerbion.
    Sur le front, dans les hautes vallées, les Sardes attaquent, profitant du trouble qui a gagné la République et ses armées à la suite de la chute de Robespierre.
    On a besoin de Napoléon. Saliceti se rétracte. « Rien de positif » n’a été découvert contre Bonaparte, écrit-il le 20 août au Comité du Salut Public.
    Ce même jour, le factionnaire ouvre la porte de la pièce et sourit en présentant son arme.
    — Citoyen général…, commence-t-il.
    Napoléon passe d’un pas lent devant lui.
    Il est libre.
    Il ne faut pas dépendre d’un système. Il faut être son

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