LE CHÂTEAU DANGEREUX
prophéties, avec ou sur l’autorité de vieux livres peints, explication de songes, oracles, révélations, invocations d’esprits damnés, astrologie judiciaire, et autres offenses graves et palpables par lesquelles des hommes qui se disent aidés du diable en imposent au vulgaire, en dépit des avertissemens du conseil-privé ; non, pourtant, que je vous soupçonne, digne ménestrel, de vous occuper de ces tentatives pour expliquer l’avenir, tentatives qui sont dangereuses et peuvent être avec raison appelées punissables et rangées parmi les actes de trahison. »
– « Il y a quelque chose de juste dans ce que vous dites, mais vos paroles ne peuvent s’appliquer aux livres ni aux manuscrits que j’ai consultés. Comme une partie des choses qui y sont écrites se sont déja réalisées, nous sommes complétement autorisés à nous attendre à ce que le reste s’accomplisse de même ; et je n’aurais pas beaucoup de peine à vous montrer dans ce volume des prédictions dont un assez grand nombre se sont déja vérifiées, pour que nous eussions droit d’attendre avec certitude la vérification des autres. »
« Je voudrais bien voir cela, répondit l’archer qui n’avait guère qu’une foi de soldat quant aux prophéties et aux augures, mais qui cependant ne voulait pas contredire trop directement le ménestrel sur de pareils sujets, attendu qu’il avait été endoctriné par sir John, de manière à se prêter aux caprices du barde. En conséquence, celui-ci se mit à réciter des vers dont le plus habile interprète de nos jours ne pourrait pas trouver le sens.
Alors que le coq chante, observez bien sa crête,
Car avec le furet le fin renard le guète.
La corneille au corbeau va-t-elle unir ses cris,
Les chèvres aux rochers suspendre leurs petits ?
Qu’ils soient ensemble alors : la bataille s’apprête ;
Le vautour affamé s’abat sur chaque tête,
Et du Mid-Lothian les guerriers sont partis…
Le peuple est dépouillé, l’abbaye est brûlée,
Le carnage est le fruit d’une horrible mêlée.
Le pauvre ne dit plus quel est son bienfaiteur,
Le pays est sans lois, et l’amour sans honneur ;
Le mensonge est assis sur le char des années,
La vérité n’est plus, les vertus sont fanées ;
Plus de foi : le cousin dérobe son cousin,
Le fils son père, un père un fils cruel et vain :
Et, pour avoir son or, il lui perce le sein, etc. etc.
Larche écoute ces pronostics mystérieux dont la lecture n’était pas moins ennuyeuse qu’inintelligible jusqu’à un certain point, en faisant tous ses efforts pour ne pas laisser éclater des marques de son ennui en allant demander de fréquentes consolations au flacon de vin, et en supportant de son mieux ce qu’il ne pouvait ni comprendre ni trouver intéressant. Cependant le ménestrel tâchait d’expliquer les prédictions douteuses et imparfaites dont nous avons donné un échantillon suffisant.
« Pourriez-vous souhaiter, dit-il à Feuille-Verte, une description plus exacte des malheurs qui se sont appesantis sur l’Écosse dans ces derniers temps ? Le corbeau et le freux, le renard et le pétrel ne les annoncent-ils pas d’une manière indubitable, soit parce que la nature de ces oiseaux et de ces bêtes est identiquement semblable à celle des chevaliers qui les déploient sur leurs bannières, ou les portent représentés sur leurs écus, et qu’ils viennent au grand jour dans la plaine ravager et détruire ? La désunion complète de la terre n’est-elle pas clairement indiquée par ces mots que les liens du sang seront brisés, que les parens, ne se lieront plus les uns aux autres, et que le père et le fils, au lieu d’avoir foi en leur parenté naturelle, chercheront à se donner mutuellement la mort pour jouir des biens l’un de l’autre ? Les braves du Lothian sont expressément désignés comme prenant les armes, et nous voyons encore ici d’évidentes allusions aux derniers événemens de ces guerres écossaises. La mort de ce dernier William est obscurément annoncée sous l’emblème d’un chien de chasse, qui fut parfois l’animal dont était orné le cimier de ce bon seigneur.
On redoutait le chien, il sera muselé,
Et pourtant de sa perte on sera désolé.
Un jeune chien naîtra d’une semblable race,
Dont le nord gardera la mémoire et la trace ;
En tête, il n’aura plus les combats d’autrefois,
Bien qu’il entende encor de glapissantes voix.
Thomas nous l’a conté
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