LE CHÂTEAU DANGEREUX
ne serai certainement pas disposé à combattre avec moins d’ardeur, parce que je porte ma fortune à la pointe de mon épée, ni à devenir un lâche parce que je combats pour une partie des domaines de Douglas, aussi bien que pour la renommée et la gloire ; mais après tout. »
– « Écoutez : un ancien ménestrel a dit que dans une injuste querelle il n’était pas de véritable courage, et que l’illustration qui en revient, lorsqu’elle est mise en balance avec une honnête renommée, n’a pas plus de valeur qu’une chaîne simplement faite de cuivre, comparée à une autre chaîne d’or pur. Mais je vous prie de croire que je ne garantis rien dans cette importante question. Vous n’ignorez pas comment James de Thirlwall, le dernier commandant anglais, avant sir John de Walton, fut surpris dans le château, et le château saccagé au milieu des actes de la plus révoltante barbarie. »
– « En vérité, je crois que toute l’Écosse et toute l’Angleterre ont entendu parler de cette boucherie et de l’infâme conduite du chef écossais, lorsqu’il fit transporter au milieu d’une forêt l’or, l’argent, les munitions, les armes et tout ce qu’il était possible d’enlever, détruisit tant de provisions d’une manière aussi horrible qu’inouïe. »
– « Peut-être, sir chevalier, avez-vous été témoin oculaire de cette aventure qui a fait tant de bruit, et qu’on appelle le gardemanger de Douglas. »
– « Je n’ai pas précisément vu les brigands accomplir leur honteuse destruction, du moins je ne les ai pas vus tandis qu’ils l’accomplissaient ; mais je n’ai que trop bien pu voir leurs traces, pour ne jamais oublier le gardemanger de Douglas, et en garder toujours un souvenir d’horreur et d’abomination. Je vais vous raconter ce fait avec vérité, par la main de mon père et par mon honneur, comme chevalier ! Je vous laisserai à juger ensuite si c’était une action propre à concilier la faveur du ciel à ceux qui en furent les auteurs. Voici comment je conte cette histoire.
« Une grande quantité de provisions avait été, pendant deux années ou environ, réunies de différens points, et le château de Douglas, nouvellement réparé, et, comme on le croyait, soigneusement défendu, fut désigné comme l’endroit ou les susdites provisions devaient être mises en magasin pour le service du roi d’Angleterre ou de lord Clifford, du premier enfin qui entrerait dans les marches occidentales avec une armée anglaise et se trouverait avoir besoin de recourir à ces magasins. Cette armée devait aussi nous prêter assistance, je veux dire porter des secours à mon oncle, le comte de Pembroke qui, quelque temps auparavant, était campé avec des forces considérables dans la ville d’Ayr, près la vieille forêt calédonienne, où nous avions de chaudes escarmouches avec les Écossais insurgés. Eh bien ! sire ménestrel, il arriva comme la chose arrive souvent, que Thirlwall, tout brave et tout hardi soldat qu’il était, fut surpris dans le château de Douglas, pendant la sainte messe, par ce même digne jeune homme, ce James Douglas. Il n’était nullement de bonne humeur, comme vous pouvez croire, car son père, qu’on nommait William-le-Hardi, ou William Longues-Jambes, pour avoir refusé de reconnaître le roi d’Angleterre à quelque condition que ce fût, avait été légalement fait prisonnier, et il était mort comme tel, enfermé dans une étroite prison à Berwick, ou, suivant d’autres, à Newcastle. La nouvelle de la mort de son père n’avait pas mis le jeune Douglas dans une petite rage, et contribua, je crois, à lui suggérer ce qu’il fit dans son ressentiment, embarrassé des immenses provisions qu’il trouva dans le château, et que, vu les forces supérieures qu’avaient les Anglais dans le pays, il ne pouvait ni emporter ni faire consommer à son monde. Le diable lui inspira, je crois, un moyen de les rendre inutiles et incapables de profiter à personne. Vous jugerez par vous-même si une pareille idée lui fut plus probablement suggérée par le bon esprit ou par le mauvais.
« Suivant son horrible idée, après que l’or, l’argent et tous les effets précieux qu’on pouvait emporter eurent été conduits en lieu sûr, Douglas ordonna qu’on descendît les provisions de bouche, la viande, le blé, l’orge et les autres grains dans la cave du château, vida le contenu des sacs pêle-mêle, ce qui forma
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