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LE CHÂTEAU DANGEREUX

LE CHÂTEAU DANGEREUX

Titel: LE CHÂTEAU DANGEREUX Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Walter Scott
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momentanément laissé à l’abbaye de Sainte-Bride. Il donna tous ces détails d’après Fabian. L’archer ajouta que le père était un homme qui, par ses chansons et ses histoires, pourrait amuser toute la garnison sans lui laisser le temps de songer à ses affaires.
    « Nous n’avons pas besoin de pareils expédiens pour passer le temps, répondit le gouverneur, et nous aurions été plus satisfait si notre lieutenant avait eu la bonté de nous trouver d’autres hôtes, et surtout des gens avec lesquels on puisse avoir des relations plus directes et plus franches, qu’avec un homme qui par sa profession ne cherche qu’à offenser Dieu et à tromper ses semblables. »
    « Cependant, répliqua le vieux soldat qui ne pouvait pas même écouter son commandant sans se laisser aller à son humeur de contredire, j’ai entendu votre honneur dire que la profession de ménestrel, quand on s’en acquittait convenablement, était aussi honorable que la chevalerie même. »
    « Il peut en avoir été ainsi jadis, répliqua le chevalier, mais chez les ménestrels modernes le but de leur art, qui est d’exciter à la vertu, a été complétement oublié : encore est-il heureux que la poésie qui enflammait nos pères et les poussait à de nobles actions ne porte pas aujourd’hui leurs fils à se conduire d’une manière basse et indigne. Mais j’en parlerai à mon ami Aymer, qui, parmi tous les jeunes gens que je connais, n’a son pareil ni en bonté ni en grandeur d’ame. »
    Tout en discourant ainsi avec l’archer, sir John de Walton, homme grand et bien fait, s’était avancé sous le vaste manteau de la cheminée du corps-de-garde où il se tenait debout, et était écouté avec un respectueux silence par le fidèle Gilbert, qui remplissait, avec des signes et, des mouvemens de tête, comme un auditeur attentif, les intervalles de la conversation. La conduite d’un autre individu qui écoutait aussi ce qu’on disait n’était pas également respectueuse, mais il était placé de manière à ne pas attirer sur lui l’attention.
    Cette tierce personne n’était autre que l’écuyer Fabian qu’on ne pouvait apercevoir à cause de sa position derrière l’avancement que formait la vaste cheminée de mode antique, et qui tâcha de s’effacer encore plus soigneusement lorsqu’il entendit la conversation du gouverneur et de l’archer tourner, à ce qu’il crut, au désavantage de son maître. L’écuyer s’occupait alors du soin un peu servile de fourbir les armes de sir Aymer, travail dont il s’acquittait plus aisément en faisant chauffer, sur l’espèce d’avancement que formait le foyer, les différentes pièces de l’armure d’acier pour les recouvrir d’un mince vernis. Il ne pouvait donc, au cas où il aurait été découvert, être regardé comme coupable d’impertinence ou de manque de respect. Il était d’autant mieux caché qu’une fumée épaisse s’élevait d’une grande quantité de boiseries en chêne sur lesquelles étaient ciselés en beaucoup d’endroits le chiffre et les armoiries de la famille des Douglas, et qui, se trouvant être les combustibles qu’on avait sous la main, noircissaient et fumaient dans la cheminée avant de pouvoir produire de la flamme.
    Le gouverneur, ignorant tout-à-fait cette augmentation de son auditoire, poursuivait la conversation avec Gilbert Feuille-Verte : « Je n’ai pas besoin de vous dire, ajoutait-il, que je suis intéressé à en finir promptement avec ce siége ou ce blocus dont Douglas continue à nous menacer. Mon propre honneur et mes affections sont engagés à ce que je conserve le Château Dangereux à la cause de l’Angleterre, mais je suis tourmenté de l’admission de cet étranger ; et le jeune de Valence aurait plus strictement rempli son devoir s’il avait refusé à ce vagabond toute communication avec nos gens, sans ma permission. »
    « C’est pitié de voir, répliqua le vieux Feuille-Verte en secouant la tête, qu’un jeune chevalier si bon et si brave se laisse quelquefois aller aux conseils de son écuyer, ce bambin de Fabian qui a de la bravoure, mais aussi peu d’aplomb qu’une bouteille de petite bière fermentée. »
    « Que la peste te crève ! pensa Fabian en lui-même, vieille relique de guerre, farcie de présomption et de termes guerriers, semblable au soldat qui, pour se garantir du froid, s’est entortillé si étroitement dans une enseigne déguenillée, qu’à

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