LE CHÂTEAU DANGEREUX
sir Aymer de Valence, comme premier commandant après sir John de Walton. Fabian, car tel était le nom du jeune écuyer qui accompagnait de Valence, fit savoir que le bon plaisir de son maître était qu’on laissât aussi entrer le ménestrel.
Cependant un vieil archer regarda le ménestrel de travers lorsqu’il entra, suivant sir Aymer. « Il ne nous appartient pas, dit-il, ni à nous ni à personne de notre rang, de nous opposer au bon plaisir de sir Aymer de Valence, oncle ou neveu du comte de Pembroke, en pareille circonstance ; et quant à nous, maître Fabian, nous déclarerons que vous êtes parfaitement libre de faire de ce barde votre compagnon de là et de table pour une semaine ou deux au château de Douglas, aussi bien que de le recevoir comme une simple visite ; mais votre honneur sait bien quels ordres sévères nous sont donnés pour la consigne ; et si Salomon, roi d’Israël, nous arrivait comme un ménestrel ambulant, je n’oserais pas lui ouvrir la porte sans y être positivement autorisé par sir John Walton. »
« Doutez-vous, coquin, dit sir John Aymer de Valence, qui revint sur ses pas en entendant l’altercation entre Fabian et l’archer ; doutez-vous que j’aie le droit nécessaire pour recevoir un hôte, ou oseriez-vous me le contester ? »
« À Dieu ne plaise, répliqua le vieillard, que j’aie la présomption de mettre mon propre désir en opposition avec celui d’un homme tel que vous, qui avez si récemment et si honorablement gagné vos éperons ; mais dans cette affaire je dois songer quel sera le désir de sir John de Walton, qui est votre gouverneur, sir chevalier, aussi bien que le mien : je crois donc qu’il ne serait pas mal que votre hôte attendît le retour de sir John, qui est allé visiter, à cheval, les postes extérieurs du château ; et comme tel est, je crois, mon devoir, votre seigneurie ne s’en offensera point, je l’espère. »
« Il me semble, répondit le chevalier, qu’il est bien téméraire à toi de supposer que mes ordres puissent être inconvenans ou contradictoires avec ceux de sir John de Walton tu peux du moins être convaincu qu’il ne t’en reviendra aucun mal. Retiens cet homme dans le corps-de-garde, fais-lui donner à boire et à manger, et quand sir John de Walton reviendra, avertis-le que c’est une personne introduite à ma demande ; et s’il faut quelque chose de plus pour le faire justifier auprès du gouverneur, je ne manquerai pas de lui parler moi-même. »
L’archer fit un signe d’obéissance avec la pique qu’il tenait à la main, et reprit l’air grave et solennel d’une sentinelle en faction. Mais auparavant il introduisit le ménestrel, et lui procura des rafraîchissemens, ne cessant pas un seul instant de causer avec Fabian qui était demeuré en arrière. Cet actif jeune homme était devenu très fier depuis peu, par suite de son élévation au grade d’écuyer de sir Aymer, et de ce premier avancement vers le titre de chevalier, attendu que sir Aymer lui-même avait passé plus vite que de coutume au rang de chevalier de simple écuyer qu’il était.
« Je t’assure, Fabian, » disait le vieil archer, que la gravité, la sagacité et l’adresse même avec lesquelles il remplissait son devoir, tout en lui gagnant la confiance de toutes les personnes du château, exposaient parfois, comme il le disait lui-même, aux railleries des jeunes freluquets, et qui, en même temps, nous pouvons l’ajouter, le rendaient quelque peu doctoral et pointilleux à l’égard des gens que leur naissance ou leur grade mettait au dessus de lui ; « je t’assure, Fabian, que tu rendras à ton maître, sir Aymer, un bon service, si tu peux lui donner à entendre qu’il devrait toujours permettre à un vieil archer, à un homme d’armes, à tout soldat vétéran, de lui faire une réplique honnête et polie quand il lui donne un ordre ; car assurément ce n’est pas dans les premières vingt années de sa vie qu’un homme apprend à connaître les différentes obligations du service militaire ; et sir John de Walton, ce véritable commandant par excellence, est un homme qui s’applique strictement à ne jamais dévier de la ligne du devoir, et, crois-moi, il sera aussi rigoureusement sévère à l’égard de ton maître qu’à l’égard de toute personne inférieure ; tel est même son zèle pour son devoir, qu’il n’hésite pas à réprimander, lorsque la plus petite occasion s’en
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