LE CHÂTEAU DANGEREUX
voyait forcé de demander que l’on changeât son lieu de service, et qu’on l’envoyât du château de Douglas dans tout autre endroit où il pourrait acquérir quelque chose, dans l’espérance que le temps mettrait un terme aux motifs de plainte qu’il avait contre son officier supérieur. Dans le courant de la lettre, sir Aymer prit une précaution toute particulière d’exprimer en termes convenables le chagrin que lui causaient la jalousie et les injustices de sir John ; mais de tels sentimens sont difficiles à déguiser, et, malgré lui, un air de déplaisir qui perçait dans plusieurs passages indiquait combien il était mécontent du vieux ami et du compagnon d’armes de son oncle, et du genre de service militaire que son oncle lui avait assigné.
Un mouvement accidentel parmi les troupes anglaises procura à sir Aymer une réponse à sa lettre beaucoup plus tôt qu’il n’aurait pu s’y attendre à cette époque, d’après le cours ordinaire des correspondances qui étaient toujours extrêmement lentes et souvent interrompues.
Pembroke, vieux guerrier rigide, avait toujours eu une opinion très partiale de sir John de Walton, qui était pour ainsi dire l’ouvrage de ses propres mains, et il fut indigné de voir que son neveu, qu’il ne considérait que comme un bambin enorgueilli par le titre de chevalier qu’il avait récemment obtenu avant l’âge fixé pour cet honneur, ne partageait pas absolument son opinion sous ce rapport. Il lui répondit donc sur un ton de véritable mécontentement, et s’exprima comme une personne de rang écrirait à un jeune parent, qui lui serait fort inférieur, sur les devoirs de son état ; et comme il ne pouvait juger des causes de plainte de son neveu que d’après sa lettre, il ne crut pas lui faire injustice en la considérant comme plus légère qu’elle était réellement. Il rappela au jeune homme que le devoir d’un chevalier consistait à s’acquitter avec fidélité et patience du service militaire, qu’il fût honorable ou simplement utile suivant les circonstances où l’on se trouvait placé par la guerre ; que surtout le poste du danger, comme le château de Douglas avait été surnommé d’un consentement unanime, était aussi le poste de l’honneur, et qu’un jeune homme devait être circonspect sur la manière dont il s’exposait aux suppositions qu’il était permis de faire pour expliquer son désir de quitter un poste si honorable, à savoir, qu’il était lassé de la discipline militaire d’un gouverneur si renommé que sir John de Walton. Cette lettre s’étendait encore longuement (ce qui était bien naturel vu l’époque) sur l’obligation où se trouvaient les jeunes gens de se laisser, dans le conseil comme sur le champ de bataille, guider implicitement par leurs aînés ; et l’oncle faisait observer avec justesse à son neveu, que l’officier supérieur qui s’était mis en position d’être responsable par son honneur, sinon par sa vie, du résultat d’un siége ou d’un blocus, pouvait justement et à un degré plus qu’ordinaire réclamer la direction implicite de toute la défense. Enfin Pembroke rappelait à sir Aymer que sa réputation à venir dépendait en grande partie du rapport plus ou moins favorable que sir John de Walton rendrait de sa conduite ; il ajoutait encore que des actions de valeur téméraire et inconsidérée ne fonderaient pas si solidement sa renommée militaire que des mois et des années passées dans une obéissance régulière, ferme et humble aux ordres que le gouverneur de Douglas, pouvait juger nécessaires dans des conjonctures si critiques.
Cette missive arriva si peu de temps après l’envoi de la lettre à laquelle elle répondait, que sir Aymer fut presque tenté de supposer que son oncle avait quelque moyen de correspondre avec de Walton, inconnu au jeune chevalier lui-même et au reste de la garnison. Et comme le comte faisait allusion à certaine occasion particulière, récente même, où de Valence avait témoigné son déplaisir à propos d’une bagatelle, la connaissance de ce fait parvenue à son oncle et d’autres minuties pareilles parurent confirmer le jeune homme dans l’idée que sa conduite était épiée d’une manière qu’il trouvait peu honorable pour lui-même et peu délicate de la part de son parent : bref, il se crut soumis à cette espèce de surveillance dont les jeunes ont toujours accusé les vieux. Il est à peine nécessaire
Weitere Kostenlose Bücher