LE CHÂTEAU DANGEREUX
telle qu’elle pût m’engager à écouter de semblables propositions ? »
– « Faut-il donc alors que je me prépare à vous suivre tout de suite au château de Douglas et à comparaître devant sir John de Walton ? »
– « Jeune homme, il faut qu’il en soit ainsi, puisque, si vous tardez plus long-temps à consentir je me verrais contraint à vous emmener de force. »
– « Et quelles en seront les conséquences pour mon père ? »
– « Ceci dépendra absolument de la nature de vos aveux et des siens : vous avez tous deux des choses à dire, comme le prouvent les termes de la lettre que sir John vous a apportée ; et, je vous l’assure, mieux vaudrait avouer tout de suite que courir les chances d’un nouveau retard ; je ne puis souffrir qu’on se joue davantage de nous, et croyez-moi, votre, sort sera entièrement déterminé par votre franchise et votre sincérité. »
– « Je vais donc me préparer à vous suivre dès que vous m’en donnerez l’ordre ; mais la cruelle maladie dont j’ai souffert ne m’a point tout-à-fait quitté, et le père Jérôme, qui possède de vastes connaissances en médecine, vous assurera lui-même que je ne puis marcher sans péril pour mes jours, et que depuis l’instant où je suis entré dans ce couvent j’ai toujours refusé de prendre de l’exercice, lorsque la bienveillance de vos soldats d’Hazelside m’en offrait l’occasion, de peur d’introduire la contagion parmi vos gens. »
« Le jeune homme dit vrai, ajouta l’abbé ; les archers et les hommes d’armes sont plus d’une fois venus inviter ce pauvre garçon à partager leurs jeux militaires ou à les divertir peut-être par ses chants et sa musique ; mais il a toujours refusé, et je pense fermement que ce sont les effets de sa maladie qui l’ont empêché d’accepter une invitation, si séduisante à son âge, et surtout dans un lieu qui doit sembler si triste que le couvent de Sainte-Bride à un jeune homme élevé dans le monde. »
« Pensez-vous donc, révérend père, répliqua de Valence, qu’il y ait véritablement danger à emmener cette nuit ce jeune homme au château, comme j’en avais le dessein ? »
« Je crois, répondit l’abbé, que ce danger existe en effet, non seulement en ce qu’il peut occasioner une rechute à ce pauvre jeune homme lui-même, mais aussi en ce qu’il serait extrêmement probable que vous introduiriez la contagion dans votre honorable garnison, attendu qu’on n’aurait pris aucune des mesures nécessaires ; car c’est dans les rechutes plutôt que dans la première violence de la maladie qu’elle paraît être plus contagieuse. »
« Alors, reprit le chevalier, il faudra vous résoudre, mon ami, à partager votre chambre avec un archer qui y montera la garde. »
« Je ne puis refuser, dit Augustin, pourvu que mon malheureux voisinage n’expose pas la vie de ce pauvre soldat. »
« Il fera aussi bien son devoir, répliqua l’abbé, en se tenant en dehors à la porte de l’appartement que, s’il se tenait en dedans ; et si ce jeune homme peut dormir tranquillement, ce qu’empêcherait la présence d’une sentinelle dans sa chambre, il n’en pourra que mieux vous accompagner demain au matin. »
« Eh bien, soit, dit Aymer ; mais vous êtes sûr que nous ne lui facilitons pas ainsi les moyens de s’échapper ? »
« L’appartement, répliqua l’abbé, n’a d’autre issue que celle qui est gardée par votre archer ; mais pour vous satisfaire davantage je fermerai la porte devant vous. »
« Soit donc, dit le chevalier de Valence ; ensuite j’irai moi-même me coucher sans quitter ma cotte de mailles, et faire un somme jusqu’à ce que l’aurore rougissant me rappelle à mon devoir ; et alors, Augustin, il vous faudra être prêt à m’accompagner au château de Douglas. »
Les cloches du couvent appelèrent les habitans et les habitantes de Sainte-Bride, aux prières du matin dès la pointe du jour. Quand ce devoir fut rempli, le chevalier demanda son captif. L’abbé le conduisit à la porte de la chambre d’Augustin ; la sentinelle qui y était postée, munie d’une longue pertuisane, dit n’avoir pas entendu le moindre bruit dans la chambre, de toute la nuit ; l’abbé frappa donc à la porte, mais ne reçut aucune réponse ; il cogna encore plus fort, mais un silence parfait régnait toujours en dedans.
« Qu’est-ce à dire s’écria le révérend
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