LE CHÂTEAU DANGEREUX
servir ; de toute autre façon, il est fort probable que je vous manquerais au besoin, et que je disparaîtrais de votre côté comme un fantôme qui craint l’approche du jour. »
– « Vous ne pouvez être si cruel ! un gentilhomme, un chevalier, un noble… car je suis convaincue que vous êtes tout cela, a des devoirs qu’il ne peut refuser de remplir. »
« Il en a, je vous l’accorde, et ils sont très sacrés pour moi ; mais il est aussi des devoirs dont l’obligation est doublement forte, et auxquels je dois sacrifier ceux qui autrement me porteraient à me dévouer à votre défense. La seule question est, si vous êtes disposée à accepter ma protection, aux conditions auxquelles seulement je puis vous l’accorder, et si vous préférez que chacun de nous suive son propre chemin, s’en remette à ses propres ressources et laisse le reste au soin de la Providence ? »
– « Hélas ! exposée et poursuivie comme je le suis, m’inviter à prendre moi-même une résolution, c’est comme demander à un malheureux qui tombe dans un précipice de songer avec calme à quelle branche il fera bien de s’accrocher pour amortir sa chute. Sa réponse doit nécessairement être qu’il s’attachera à celle qu’il pourra le plus aisément saisir, et qu’il abandonnera le reste à la volonté de la Providence. J’accepte donc la protection que vous m’offrez, avec les restrictions qu’il vous plait d’y mettre, et je place toute ma confiance dans le ciel et dans vous. Pour me servir efficacement, néanmoins, il faut que vous connaissiez mon nom et ma position. »
« J’en ai déja été instruit par celle qui vous accompagnait tout à l’heure ; car ne pensez pas, jeune dame, que beauté, rang, vastes domaines, immenses richesses, talens accomplis puissent avoir la moindre valeur aux yeux de celui qui porte la livrée de la tombe, et dont les affections et les désirs sont depuis long-temps ensevelis dans le sépulcre. »
– « Puisse votre foi être aussi ferme que vos paroles semblent sévères, et je m’abandonne à vous sans le moindre doute, sans la moindre crainte d’avoir à tort mis toute ma confiance en vous ! »
CHAPITRE XV.
La Route.
Comme le chien qui suit son maître, quand celui-ci veut lui apprendre quelque jeu dans lequel il désire qu’il excelle, lady Augusta se voyait en cette occasion traitée avec une rigueur propre à lui faire sentir la nécessité de l’obéissance la plus complète aux volontés du chevalier de la Tombe, en qui elle s’était imaginé voir tout d’abord un des principaux adhérens de Douglas, sinon James Douglas lui-même. Encore, pourtant, l’idée qu’elle s’était faite du redoutable Douglas était celle d’un chevalier s’acquittant avec exactitude des devoirs de la chevalerie, particulièrement dévoué au service du beau sexe, et tout-à-fait différent du personnage auquel elle se trouvait si étrangement unie, comme par suite d’un enchantement. Néanmoins, lorsque, comme pour abréger un plus long entretien, il se précipita subitement dans un des labyrinthes du bois, et sembla adopter un pas que, vu la nature du terrain, le cheval que montait lady Augusta eut quelque peine à prendre, elle le suivit avec l’alarme et la vitesse d’un jeune épagneul qui, par crainte plutôt que par amitié, s’efforce de marcher sur les traces d’un maître sévère. La comparaison, il est vrai, n’est pas fort polie ni très convenable à une époque où les femmes étaient adorées avec une espèce de dévotion, mais des circonstances telles que celles-ci étaient rares, et lady Augusta de Berkely ne pouvait s’empêcher de croire que le terrible champion, dont le nom avait été si long-temps le sujet de ses inquiétudes et la terreur de tout le pays, pouvait d’une manière ou d’une autre accomplir sa délivrance. Elle fit donc tous ses efforts pour suivre cette espèce de fantôme, et marcha derrière le chevalier telle que l’ombre du soir accompagne le paysan attardé.
Comme la dame souffrait évidemment par suite de la peine qu’elle avait à se donner pour empêcher son palefroi de faire des faux pas dans ces sentiers raides et raboteux, le chevalier de la Tombe ralentit sa course, regarda d’un œil inquiet autour de lui, et parut se dire à lui-même, quoique probablement avec l’intention que sa compagne l’entendit : « Il n’est pas besoin de tant se hâter. »
Il marcha donc plus
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