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Le cheval de Troie

Le cheval de Troie

Titel: Le cheval de Troie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Colleen McCullough
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mette des anneaux et des clochettes à chacun de mes dix orteils, puis mes bras et mes mains pour qu’on y glisse bagues et bracelets.
    Quand elles eurent fini, j’allai jusqu’à mon grand miroir et m’y examinai d’un œil critique. Le péplos était le plus joli que je possédais, froncé de la taille aux chevilles. Son poids était dû aux perles de cristal de roche et d’ambre, aux amulettes de lapis-lazuli et d’or martelé, aux clochettes dorées et aux pendentifs en céramique qui l’ornaient, si bien que des sons harmonieux accompagnaient chacun de mes mouvements.
    — Pourquoi n’ai-je pas le droit de peindre à l’or le bout de mes seins, Nesté ?
    — Ça ne sert à rien de t’en prendre à moi, jeune princesse. Demande plutôt à ta mère. Mais garde cet artifice pour le moment où tu en auras besoin – après la naissance de ton enfant, quand tes mamelons auront bruni.
    Sans doute avait-elle raison. J’avais de la chance ; mes tétons étaient roses et pointus comme de jeunes bourgeons, ma poitrine haute et ferme.
    Thésée disait que c’étaient deux chiots blancs à la truffe rose. Mon humeur s’assombrit à cette pensée. Thésée, mon amour. Ses lèvres, ses mains, la façon qu’il avait d’exciter tout mon corps jusqu’à ce qu’il brûle du désir d’être satisfait… Puis ils étaient venus me chercher, mes frères estimés, Castor et Pollux. Si seulement Thésée avait été à Athènes à leur arrivée ! Mais il se trouvait loin, à Scyros, avec le roi Lycomède et personne n’avait osé s’opposer aux fils de Tyndare.
    Je laissai mes esclaves tracer un cercle autour de mes yeux avec de la poudre noire et peindre mes paupières en doré, mais je refusai le carmin sur mes joues et mes lèvres. Inutile, avait dit Thésée. Puis je descendis voir mon père dans la salle du trône où il était assis près d’une fenêtre. Il se leva immédiatement.
    — Approche-toi de la lumière, m’ordonna-t-il.
    J’obtempérai sans mot dire. C’était un père indulgent, mais c’était aussi le roi. Tandis que le soleil dardait sur moi ses rayons, mon père recula de quelques pas et me regarda comme s’il me voyait pour la première fois.
    — Oh oui, Thésée était bien plus clairvoyant que quiconque à Lacédémone ! Ta mère a raison. Tu es une jeune fille. Nous devons donc faire quelque chose avant que ne survienne un autre Thésée.
    J’avais les joues en feu, mais demeurai silencieuse.
    — Il est temps de te marier, Hélène. Quel âge as-tu ?
    — Quatorze ans, père.
    Me marier ! pensai-je, voilà qui est intéressant.
    — Nous n’avons que trop attendu, remarqua-t-il.
    Ma mère entra. J’évitai son regard car je me sentais mal à l’aise, face à mon père qui me regardait avec des yeux d’homme. Mais ma mère fit semblant de ne pas me voir, se rapprocha de lui et me jaugea à son tour. Puis ils échangèrent un regard entendu.
    — Je te l’avais bien dit, Tyndare.
    — Oui, Léda, il lui faut un mari.
    Ma mère éclata d’un beau rire cristallin qui, d’après la rumeur, avait séduit Zeus le Tout-Puissant. Elle avait à peu près mon âge, quand on l’avait découverte nue, enlaçant un cygne gigantesque, gémissant et roucoulant de plaisir ; en un éclair elle avait deviné : « Zeus, Zeus, le cygne, c’est Zeus, il m’a violée ! » Mais moi, sa fille, je n’étais pas aussi niaise. Son père l’avait mariée à Tyndare trois jours plus tard et elle avait donné à deux reprises naissance à des jumeaux d’abord Castor et Clytemnestre puis, quelques années plus tard, Pollux et moi. Mais maintenant tout le monde semblait croire que Castor et Pollux étaient les jumeaux ou que nous étions tous nés ensemble, des quadruplés. Dans ce cas, lesquels d’entre nous descendaient de Zeus, lesquels de Tyndare ?
    — Dans ma famille les filles sont précoces et souffrent beaucoup, déclara ma mère, qui riait encore.
    — Oui, acquiesça mon père, qui ne riait pas.
    — Il ne sera pas bien difficile de lui trouver un époux. Il suffira d’évincer les prétendants à coups de massue, Tyndare !
    — Elle est bien née et richement pourvue.
    — Balivernes que tout cela ! Elle est si belle qu’une dot n’y change rien. Le grand roi d’Attique nous a rendu un grand service en louant sa beauté de la Thessalie à la Crète. Qu’un homme aussi vieux que Thésée s’entiche d’une fillette de douze ans au point de l’enlever,

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