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Le cheval de Troie

Le cheval de Troie

Titel: Le cheval de Troie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Colleen McCullough
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de décrépitude sur leur corps vigoureux et sur leur visage dur et sévère.
    Pélée descendit le premier et s’avança vers moi ; je tressaillis quand il me serra affectueusement dans ses bras, mais mon hostilité s’atténua devant tant de cordialité.
    — Comment vas-tu, Chiron ?
    — Très bien, seigneur… Comment peux-tu me demander de recommencer à enseigner, seigneur ? continuai-je, l’air irrité. N’ai-je pas fait ma part ? N’y a-t-il personne d’autre capable de s’occuper de tes fils ?
    — Personne se saurait t’égaler en cela.
    Pélée me prit par le bras.
    — Tu sais certainement ce qu’Achille représente pour moi. Il est mon fils unique et il n’y en aura jamais d’autre. Quand je mourrai, il occupera les deux trônes, aussi doit-il être instruit. Je peux me charger de son éducation, mais pas avant qu’il ait acquis des bases solides. Toi seul peux lui apprendre les notions élémentaires, Chiron et tu le sais. Le statut des rois héréditaires est précaire en Grèce. Il y a toujours d’agressifs prétendants au trône. Et tu ne l’ignores pas, j’aime Achille plus que tout au monde. Comment pourrais-je lui refuser l’éducation que j’ai reçue ?
    — Je ne peux m’en charger, Pélée.
    — On ne peut forcer un cheval fourbu à galoper, mais acceptes-tu au moins de voir les enfants ?
    — Je veux bien les voir, si tel est ton désir, maître.
    Pélée fit signe aux deux garçons qui se trouvaient près du second char. Ils avancèrent, l’un derrière l’autre ; je ne voyais pas le second. Rien d’étonnant : le premier attirait mon attention. Mais quelle déception ! Était-ce là Achille, le fils unique et adoré ? Non, certainement pas. Il était trop âgé. Quatorze ans ? Treize ans ? Il avait déjà la taille d’un homme, des bras et des épaules bien musclés. Il n’était pas laid, mais la distinction lui faisait défaut. C’était un adolescent bien bâti, au nez légèrement retroussé, avec des yeux gris, ternes, sans nulle lueur de réelle intelligence.
    — Voici Ajax, dit Télamon avec fierté. Il n’a que dix ans, bien qu’il paraisse beaucoup plus âgé.
    — Et celui-ci est Achille ?
    — Oui, dit Pélée, essayant de prendre un ton détaché. Lui aussi est grand pour son âge. Il vient d’avoir six ans.
    Malgré son jeune âge, il possédait un certain charisme. Un charme dont il n’était pas conscient vous attachait à lui. Il n’avait pas la stature de son cousin germain, néanmoins il était grand et robuste. L’air réfléchi, royal, il semblait fait d’or : une chevelure flamboyante, des sourcils dorés, une peau satinée. Un très bel enfant, si l’on exceptait sa bouche dépourvue de lèvres – une simple fente toute droite –, résolue mais d’une tristesse insondable. Il me regardait gravement de ses yeux couleur d’aube, dorés et légèrement voilés ; des yeux dans lesquels on discernait à la fois la curiosité, l’affliction, l’émerveillement et l’intelligence.
    Je renonçai à sept années de cette vie qui touchait à sa fin quand je me surpris à déclarer :
    — J’accepte de les instruire.
    Le visage de Pélée s’illumina, Télamon m’étreignit.
    — Nous n’allons pas nous attarder, dit Pélée. Dans le chariot tu trouveras tout ce dont les garçons auront besoin et j’ai amené des esclaves pour te servir. La vieille masure est-elle toujours debout ?
    Je fis signe que oui.
    — Alors les esclaves y logeront. Ils doivent t’obéir au doigt et à l’œil, car c’est en mon nom que tu parles.
    Là-dessus, Pélée et Télamon s’en furent.
     
    Je laissai les esclaves décharger le chariot et allai voir les garçons. Ajax se tenait là, impassible et docile. Il me faudrait lui marteler longtemps le crâne avant que son esprit ne s’éveille. Achille observait la route, les yeux embués de larmes. Cette séparation lui coûtait.
    — Venez, jeunes gens, vous allez voir votre nouveau logis.
    Ils me suivirent jusqu’à la grotte, où je leur montrai les peaux de bêtes moelleuses sur lesquelles ils dormiraient et l’endroit de la grande salle où ils étudieraient avec moi. Puis, je les emmenai au bord de l’à-pic et m’assis sur mon siège, les enfants de part et d’autre.
    — Êtes-vous impatients d’apprendre ? demandai-je en m’adressant à Achille plutôt qu’à Ajax.
    — Oui, maître, répondit poliment Achille.
    Son père lui avait au moins appris à

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