Le clan de l'ours des cavernes
toi tu n'as pas de compagnon, tu n'as personne pour défendre ton fils. Ayla, pourquoi laisser vivre un enfant destiné à être malheureux toute sa vie ? Finissons-en au plus vite, lui conseilla Iza.
A contrecoeur, Ayla arracha son enfant de son sein et fondit en larmes.
- Oh, Iza, gémit-elle. Je désirais tellement ce bébé ! Je voulais tant en avoir un pour moi toute seule, comme les autres femmes. Ne me force pas à
m'en débarrasser.
- Je sais que c'est pénible, Ayla, mais c'est ainsi, insista Iza, le coeur gros.
Le bébé cherchait désespérément la chaleur du sein dont il venait d'être brutalement privé. Il se mit à pleurnicher et bientôt poussa un hurlement sonore et insistant, le cri du nouveau-né affamé.
- Non, c'est tout simplement impossible ! s'exclama Ayla en lui redonnant le sein. Mon fils est vivant. Il respire. Il est peut-être mal formé, mais il est fort. Tu l'as entendu crier ? As-tu jamais entendu un nouveau-né
pousser de pareils cris ? Tu l'as vu se débattre ? Regarde donc comme il tète ! Je veux le garder, Iza, et je le garderai. Je partirai plutôt que de le tuer. Je sais chasser. Je pourrai le nourrir et m'en occuper toute seule !
- Ayla, tu plaisantes ! dit Iza qui avait p‚li. O˘ irais-tu ? Tu es beaucoup trop faible, tu as perdu tellement de sang.
- Je n'en sais rien, maman. quelque part, n'importe o˘. Mais je ne l'abandonnerai pas.
Ayla se sentait résolument déterminée et Iza comprit alors qu'elle mettrait son projet à exécution. Mais elle était trop faible pour s'en aller vivre ailleurs. Elle mourrait assurément en essayant de sauver son enfant.
- Ayla, ne dis pas ça, supplia Iza. Si tu n'as pas la force de le faire, c'est moi qui vais m'en charger. Je dirai à Brun que tu es trop fatiguée.
Laisse-moi le prendre, dit-elle en tendant les bras. Une fois qu'il ne sera plus là, il te sera facile de l'oublier.
- Non, non ! Iza, protesta Ayla en serrant le nouveau-né dans ses bras. Je le garderai. Peu importe comment. Et même si je dois m'en aller, je le garderai.
Uba n'avait rien perdu de la scène entre les deux femmes, pas plus d'ailleurs que de l'accouchement difficile d'Ayla. Rien n'était caché aux enfants, qui partageaient tout autant que leurs aînés le destin du clan.
Uba adorait la jeune femme aux cheveux dorés, à la fois sa camarade de jeu, son amie, sa mère et sa soeur, et si la délivrance douloureuse l'avait effrayée, elle l'était plus encore en voyant Ayla signifier qu'elle quitterait le clan plutôt que de se défaire de son enfant. Cela rappelait à
la petite fille la première fois o˘ Ayla était partie et o˘ tout le monde disait qu'elle ne reviendrait jamais.
- Ne t'en va pas, Ayla, s'écria la fillette. Maman, tu ne vas pas la laisser partir !
- Je n'en ai pas envie, Uba, mais je ne peux pas laisser mourir mon bébé, lui dit Ayla.
- Et pourquoi ne le déposes-tu pas au sommet d'un arbre, comme dans l'histoire d'Aba ? S'il survit pendant sept jours, Brun sera obligé de l'accepter, proposa Uba.
- L'histoire d'Aba est une légende, Uba, expliqua Iza. Aucun bébé ne pourrait résister au froid sans rien manger.
Mais Ayla n'écoutait plus, une idée venait de germer dans son esprit.
- Maman, une partie de la légende est vraie, dit-elle enfin.
- que veux-tu dire ?
- Si mon enfant est encore vivant au bout de sept jours, Brun sera obligé
de l'accepter, n'est-ce pas ?
- que vas-tu imaginer, Ayla ? Tu n'espères tout de même pas le retrouver vivant au bout de sept jours, si tu le laisses dehors sans nourriture ? Tu sais bien que c'est impossible.
- Je ne vais pas le laisser dehors, je vais l'emmener. Je connais un endroit o˘ l'abriter. Je peux très bien y aller avec mon fils et ne revenir que le jour de la cérémonie. Brun devra alors lui donner un nom et me le laisser.
- Non ! Ayla, ne fais pas ça ! Ce serait aller à l'encontre des traditions du clan, et Brun serait furieux. Il te cherchera et finira bien par te trouver et te reconduire à la caverne. Non, ce n'est pas bien, lui reprocha lza, fort agitée.
Jamais Iza ne s'était permis de transgresser la moindre règle, et la seule idée de s'y risquer lui coupait les jambes. Le projet d'Ayla constituait à
lui seul une manifestation de révolte à laquelle elle n'aurait jamais songé
et qu'elle pouvait encore moins approuver. Mais elle savait combien Ayla tenait à cet enfant et son coeur se serrait en pensant à tout ce qu'elle avait enduré pour le
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