Le clan de l'ours des cavernes
répondit Iza, désespérée de ne pas s'être montrée plus ferme envers Ayla.
- Des histoires de bonnes femmes, oui ! s'exclama Creb sur un ton méprisant. Aba aurait d˚ s'abstenir de mettre de telles sottises dans la tête d'une jeune fille.
- Aba n'est pas la seule responsable, Creb, tu l'es également.
- Moi ? quand lui aurais-je raconté de pareilles sornettes ?
- Tu n'en as pas eu besoin. Tu es né infirme et on t'a néanmoins laissé
vivre. Aujourd'hui tu es Mog-ur.
La révélation ébranla fortement le vieux sorcier manchot et boiteux. Il connaissait le concours de circonstances qui l'avait soustrait à la mort à
sa naissance. Seule la chance avait préservé l'homme qui était aujourd'hui le plus grand mog-ur de tous les clans réunis. La mère de sa mère lui avait dit qu'il devait sa vie à un pur miracle. Ayla avait-elle imaginé semblable miracle pour son fils ? Elle se trompait. Jamais elle ne réussirait à
convaincre Brun de donner une chance à son fils.
- Et toi, Iza, tu n'as donc rien tenté pour la dissuader ?
- J'ai fait tout ce que j'ai pu. Je lui ai proposé de la débarrasser moi-même de l'enfant, mais elle ne m'a pas laissée m'en approcher.
Oh, Creb, elle a tellement souffert pour le mettre au monde !
- Alors, ainsi, tu l'as laissée partir en espérant que son projet réussirait ! Et pourquoi ne pas en avoir parlé à Brun ou à moi ?
Iza se contenta de secouer la tête d'un air accablé.
Creg a raison, pensait-elle. Maintenant, la mort n'attend pas seulement le bébé d'Ayla, mais Ayla elle-même.
- O˘ est-elle allée ? demanda Creb d'un geste impératif.
- Je n'en sais rien. Elle m'a parlé d'une petite grotte dans la montagne.
Le sorcier lui tourna abruptement le dos et se dirigea vers le foyer du chef.
Les cris du nouveau-né finirent par tirer Ayla de sa torpeur. La nuit était tombée et la petite grotte était froide et humide. La jeune fille alla soulager sa vessie au fond de la faille et grimaça de douleur au feu provoqué par le liquide ammoniaqué sur ses chairs à vif et déchirées. Elle fouilla à t‚tons dans son panier pour trouver de quoi changer son enfant ainsi qu'une bande de peau absorbante pour elle-même. Après s'être désaltérée, elle l'enveloppa dans la fourrure et donna le sein à son petit. quand elle s'éveilla pour la seconde fois, les rayons du soleil filtraient à travers le réseau de branchages, illuminant la caverne. Elle se restaura un peu pendant que son bébé tétait.
Revigorée par le sommeil et le repas, Ayla, son enfant dans ses bras, songea à tout ce qu'elle devrait faire. Ramasser du bois, pour commencer, et trouver de quoi manger, car ce qu'elle avait ne durerait pas longtemps.
La luzerne devait pousser dans les parages ; elle lui échaufferait le sang.
Il devait y avoir du trèfle ; de la vesce, et elle pourrait recueillir de la sève de bouleau ; l'érable aurait été préférable mais il ne poussait pas à cette altitude. Enfin, elle trouverait bien de la bardane, du pas-d'‚ne et des pissenlits. Et il y avait assez d'écureuils, de castors et de lapins dans le coin pour qu'elle ne manque pas de viande.
Elle songea aux plaisirs du printemps, aux cueillettes et aux chasses qu'elle pourrait entreprendre d'ici peu, mais en se levant elle se sentit désemparée à la vue du sang qui lui souillait les jambes en même temps qu'elle éprouvait un léger vertige.
quand la tête cessa de lui tourner, elle décida d'aller se laver et, par la même occasion, de ramasser du bois. Elle se demanda que faire du bébé. En règle générale, les femmes du clan ne laissaient jamais leur enfant sans surveillance, mais il lui fallait se laver et également remplir son outre d'eau, et elle pourrait rapporter davantage de bois.
Elle jeta un coup d'oeil hors de la grotte avant d'en sortir et d'en obstruer l'entrée avec le rideau de branchages des noisetiers. Le sol était détrempé ; les abords du ruisseau, une mare de boue glissante. Frissonnant de froid dans le vent d'est, Ayla se déshabilla et entra dans l'eau glacée pour se rincer et nettoyer ses vêtements. Puis, renfilant ses fourrures humides, elle se dirigea vers les bois qui entouraient la prairie et se mit en devoir d'arracher les branches mortes au bas d'un sapin. Elle fut aussitôt prise d'un vertige, les jambes lui manquèrent et elle dut se retenir au tronc de l'arbre pour ne pas tomber. Il lui fallait pour le moment abandonner toute idée de chasser ou même
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