Le clan de l'ours des cavernes
qu'elle essayait de s'accroupir sur la peau de bête.
- Vas-y, pousse maintenant, Ayla.
- Elle n'y arrive pas, dit Ebra. Elle n'a plus de force.
- Ayla, il faut que tu pousses plus fort, insista Iza.
- Je ne peux pas, répondit faiblement Ayla.
- Mais il le faut, Ayla ! Essaye, sans quoi ton bébé va mourir ! dit Iza, se gardant d'ajouter qu'elle aussi mourrait avec lui.
Faisant appel à des ressources d'énergie insoupçonnées, Ayla rassembla ses dernières forces, prit une grande inspiration et s'accrocha à la main d'lza. Proche de l'évanouissement, le front emperlé de sueur sous l'effort, elle avait l'impression que tous ses os se brisaient.
- Vas-y, Ayla. Encore, encore, l'encourageait Iza. La tête commence à
sortir, continue !
Prenant une autre inspiration, Ayla poussa de nouveau. Elle sentit sa peau et ses muscles se déchirer, mais elle continua à pousser de plus belle, jusqu'au moment o˘ la tête du bébé émergea de l'étroit passage. Iza entreprit alors de le tirer délicatement. Le plus dur était fait.
- Encore un effort, Ayla, un dernier petit effort pour le délivrer. La jeune femme se tendit une fois encore avant de perdre connaissance.
Iza attacha un morceau de nerf teint à l'ocre rouge au cordon ombilical du nouveau-né avant de le couper avec les dents. Puis elle lui donna des petites tapes sur les pieds jusqu'à ce que sa faible plainte se transforme en un puissant vagissement. Il est vivant, pensa-t-elle avec soulagement. Mais au moment o˘ elle s'apprêtait à le nettoyer, le coeur lui manqua. Toute cette souffrance pour en arriver là... Elle emmaillota l'enfant dans la peau de lapin déjà préparée pour lui, puis elle confectionna pour Ayla un cataplasme de racines m‚chées. La jeune mère gémit en ouvrant les yeux.
- Mon bébé, Iza... C'est un garçon ou une fille ? demanda-t-elle.
- C'est un garçon, Ayla, répondit la guérisseuse. (Elle s'empressa d'ajouter, pour ne pas lui laisser de vains espoirs :) Mais il est anormal.
Le faible sourire d'Ayla se mua en une grimace horrifiée.
- Non ! Ce n'est pas possible ! Montre-le-moi !
- C'est ce que je redoutais, dit Iza en lui apportant l'enfant. C'est hélas fréquent quand une femme a une grossesse difficile. Je suis navrée, Ayla.
La jeune femme écarta la peau de lapin et regarda son fils. Il avait les bras et les jambes plus grêles que ceux d'Uba à sa naissance, plus longs également, mais pourvus du nombre exact de doigts aux pieds et aux mains.
Son minuscule pénis ne laissait aucun doute sur son sexe. Son cr‚ne était quelque peu déformé par les épreuves de son entrée dans le monde, mais ce n'était pas le plus grave : Iza savait qu'il reprendrait une forme acceptable d'ici peu. C'étaient plutôt la conformation générale de sa tête, sa grosseur anormale, sans parler du petit cou
maigre trop fragile pour supporter ce poids énorme, qui paraissaient bizarres.
A l'image des individus composant le Peuple du Clan, le nouveau-né avait des arcades sourcilières proéminentes mais, au lieu de s'interrompre brusquement, son front décrivait un renflement ressemblant à une bosse audessus des sourcils. Son cr‚ne, de forme arrondie, n'avait pas la longueur voulue, et au lieu de se prolonger en une forme oblongue, il s'arrêtait net au niveau de la nuque bien arquée. Ses traits étaient le plus surprenant : de grands yeux ronds, un nez beaucoup plus petit que la normale, une grande bouche mais des m‚choires étroites comparées à celles du clan, et sous la bouche, une espèce de protubérance osseuse qui le défigurait irrémédiablement. quand Iza avait pris le bébé dans ses bras, en voyant sa tête ballotter, elle avait sérieusement douté qu'il p˚t un jour parvenir à
la tenir droite.
Blotti contre sa mère, le bébé cherchait déjà à téter, et Ayla l'aida à
trouver son sein.
- Tu ne devrais pas, Ayla, lui dit Iza avec douceur. Ne lui donne pas de forces, car on va bientôt te t'enlever, et tu auras encore plus de peine à
te séparer de lui.
- Me séparer de lui ? s'écria Ayla, interloquée. Mais c'est mon bébé ! Mon fils !
- Tu n'as pas le choix, Ayla. C'est la règle ici. Une mère doit se débarrasser de son enfant s'il est anormal. Alors, autant se dépêcher de le faire avant que Brun ne l'ordonne.
- Mais Creb était bien difforme et on l'a laissé vivre, protesta Ayla.
- Le compagnon de sa mère était le chef du clan, et il lui a permis de garder l'enfant. Mais
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