Le clan de l'ours des cavernes
guérisseuse de t'enlever ton fils.
Mais à peine venait-il de lui signifier ces paroles en quelques gestes tranchants qu'il se détendait, réalisant soudain qu'il échappait à
l'obligation d'accepter et de nommer l'enfant et à la honte de devoir céder à une femme.
- Cette femme sait bien que le jour de la cérémonie n'est pas encore arrivé, répondit Ayla. Mais elle a compris qu'elle a tort de vouloir forcer le chef à accepter son fils. Ce n'est pas à elle de décider si son enfant doit vivre ou bien mourir. Seul le chef en a le droit, et c'est pour cela que cette femme est revenue.
Brun dévisagea Ayla dont l'expression reflétait la parfaite détermination.
Elle est enfin revenue à la raison, pensa-t-il.
- Si tu connais les traditions du clan, pourquoi es-tu revenue avec ton enfant difforme ? Es-tu prête à t'en séparer à présent ? Préfères-tu que la guérisseuse s'en charge à ta place ?
Ayla hésita quelques instants, son enfant serré contre elle.
- Cette femme s'en séparera si le chef le lui ordonne, déclara-t-elle avec peine, très lentement. Mais cette femme a promis à son fils de ne pas le laisser partir seul dans le monde des esprits. Si le chef décide que l'enfant n'est pas digne de vivre, elle lui demande de la maudire.
Brun, je te supplie de laisser la vie sauve à mon fils, ajouta Ayla, oubliant de respecter les formes. S'il doit mourir, je ne désire pas vivre.
La fervente prière d'Ayla surprit le chef. Il savait que certaines femmes désiraient garder leur enfant en dépit de leurs malformations. Néanmoins, la plupart étaient soulagées de s'en débarrasser au plus vite. Un enfant anormal jetait l'opprobre sur sa mère et la rendait moins désirable. Dans le cas o˘ la difformité ne provoquait pas un handicap majeur, il fallait néanmoins prendre en considération les questions de hiérarchie dans le clan et songer aux futures unions. La vieillesse de la mère pouvait se révéler pénible si ses -enfants ou les compagnons de ses enfants n'étaient pas capables de subvenir à ses besoins. La requête d'Ayla était un exemple sans précédent.
- Tu désires donc mourir avec ton enfant anormal, et pourquoi donc ?
s'enquit Brun.
- Mon fils n'est pas anormal, répondit Ayla, sans la moindre intention de défi. Il est différent, tout simplement. Moi aussi, je suis différente. Si mon totem se laisse encore vaincre, tous les enfants que j'aurai lui ressembleront, et si on doit tous me les enlever, je préfère la mort.
Brun regarda Mog-ur.
- quand une femme avale l'esprit du totem d'un homme, l'enfant ne doit-il pas ressembler à l'homme ? dernanda-t-il au sorcier.
- En principe, oui. Mais n'oublie pas qu'elle possède un totem masculin.
C'est pour ça que le combat fut si rude. Le Lion des Cavernes voulait peut-
être sa part de cette vie nouvellement créée. Il faut que je médite sur ce point.
- Mais l'enfant est tout de même difforme.
- Cela arrive fréquemment quand le totem d'une femme ne veut pas se soumettre complètement. La grossesse est alors difficile et l'enfant mal conformé, répondit Mog-ur. Je suis encore plus étonné que ce soit un garçon. En général, quand le totem est puissant, c'est une fille qui naît.
Mais nous n'avons toujours pas vu ce petit, Brun. Nous devrions peut-être l'examiner.
Pourquoi se donner ce mal ? se demanda Brun. Le retour avancé d'Ayla et sa repentance manifeste le réaffirmaient dans son autorité, mais il lui en voulait cependant de l'avoir mis dans une position aussi délicate vis-à-vis du clan, et puis ce n'était pas la première fois qu'elle lui causait un problème. Combien allait-elle lui en poser à présent qu'elle était de retour ? De plus, le Rassemblement du Clan approchait, comme Broud ne cessait de le lui rappeler. Brun y songeait aussi, à ce rendez-vous, et il s'était souvent interrogé dernièrement sur l'effet que produirait la présence au sein de leur clan d'une femme née chez les Autres. Une femme pour laquelle il avait pris des décisions peu conformes aux traditions. En leur temps, elles lui avaient paru de bon sens et équitables, même celle de la reconnaître comme la Femme-quiChasse. Mais, ajoutées les unes aux autres, ces licences accordées pouvaient représenter pour un observateur étranger une formidable
dérogation aux coutumes. Ayla avait désobéi gravement, elle devait être punie pour cela, et Brun était tenté de la maudire, ce qui le libérerait de ses soucis.
Mais
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