Le clan de l'ours des cavernes
à la recherche d'une explication sur la conduite d'Ayla. Il savait combien elle s'était efforcée de se conformer aux traditions du Clan, et il estimait qu'elle y était parvenue. Aussi était-il convaincu qu'elle avait agi comme elle l'avait fait pour une autre raison, une raison qu'il finirait bien par découvrir.
- Avant que tu t'engages, Mog-ur demande la parole.
Brun regarda le sorcier dont l'expression était aussi énigmatique qu'à
l'accoutumée.
- Mog-ur a mon autorisation.
- Ayla n'a pas de compagnon, et c'est moi qui me suis toujours chargé
d'elle. Si tu m'y autorises, je parlerai donc comme son compagnon.
- Parle si tu le désires, Mog-ur, mais que pourrais-tu ajouter ? J'ai déjà
pris en compte l'amour qu'elle porte à son enfant et tout ce qu'elle a enduré pour le mettre au monde. J'ai envisagé toutes les excuses possibles pour justifier ses actes, mais les faits sont là. Elle a transgressé les coutumes du Clan. Les hommes ne peuvent accepter son enfant et Broud a clairement exposé les raisons pour lesquelles ni l'un ni l'autre ne méritent de vivre.
Mog-ur se leva avec peine et laissa tomber son b‚ton. Drapé dans sa fourrure d'ours, il avait une allure des plus imposantes. Il était Mogur, le seul habilité à communiquer avec le monde des esprits, le sorcier le plus renommé dans tout le Peuple du Clan. Il émanait de sa personne une aura subtile qui ne le quittait jamais. quand le regard terrifiant du sorcier se posa sur chacun, l'un après l'autre, aucun homme, pas même Broud, ne put s'empêcher de frémir en prenant soudain conscience que la femme qu'ils venaient de condamner à mort partageait le foyer de Mog-ur. Le vieil homme imposait rarement sa présence en dehors de ses fonctions, et son intervention n'en prenait que plus de force.
- Le compagnon d'une femme a le droit de défendre la vie d'un enfant anormal, déclara-t-il quand il fut tourné vers Brun. Je te demande de laisser la vie sauve au fils d'Ayla, et pour le bien de l'enfant, je te demande de laisser aussi la vie sauve à sa mère.
Mog-ur renvoyait à Brun l'écho de sa propre inclination à épargner Ayla et son enfant, ainsi qu'il s'en était ouvert à Iza. Les arguments en faveur de la malédiction, qu'il avait fini par faire siens pour ne pas s'aliéner son clan, lui paraissaient soudain sans fondement, fruit de la l‚cheté plutôt que de l'audace. Mais il ne pouvait faire volte-face sans déconcerter les chasseurs.
Mog-ur avait compris le dilemme de Brun, observé le durcissement de son regard, après une fugitive lueur d'approbation. Il reprit la parole, avec la simplicité des gestes et des mots de tous les jours, le visage empreint d'une expression à la fois vulnérable et décidée.
- Brun, depuis son arrivée, Ayla vit dans mon foyer. Tout le monde sait parfaitement que les hommes et les enfants considèrent l'homme de leur foyer comme un modèle de ce que doit être un homme du Clan. Telle est la façon dont Ayla m'a toujours considéré. Or, je suis difforme, Brun. qu'y at-il d'étrange à ce qu'une femme élevée par un homme difforme ne voie pas la difformité de son enfant ? Il me manque un oeil et un bras, et la moitié
de mon corps est atrophiée. Je ne suis que la moitié d'un homme, et pourtant Ayla m'a toujours vu comme
un homme normal. Son fils a deux bras, deux jambes, comment peutelle le trouver anormal ?
" Je suis celui qui l'a éduquée, et c'est à moi de répondre de ses fautes.
Tu sais bien, Brun, que j'ai toujours défendu ses transgressions. Je ne les ai jamais jugées dangereuses pour le clan. Mais aujourd'hui, je me dis que j'aurais d˚ me montrer plus sévère à son égard.
" Je n'ai jamais pris de compagne. Et sais-tu pourquoi ? Sais-tu comment les femmes s'enfuient à mon approche ? quand j'étais jeune, j'éprouvais moi aussi le besoin d'assouvir mes désirs, mais j'ai appris à me contrôler en voyant les femmes se détourner pour ne pas voir mon geste. Seule Ayla n'a jamais manifesté de répugnance à mon égard. Elle navait pas peur de moi, elle me serrait dans ses bras, m'embrassait. Comment aurais-je pu la punir de fautes qu'elle n'avait pas conscience de commettre ?
" Je n'ai jamais pu apprendre à chasser. J'étais une charge pour tout le monde, on se moquait de moi, on me traitait de femme. Aujourd'hui je suis Mog-ur et plus personne ne se moque de moi, mais aucune cérémonie rituelle de passage à l'‚ge adulte ne fut célébrée en mon honneur.
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