Le clan de l'ours des cavernes
lampes à graisse, confectionna des mèches de mousse séchée, se rendit jusqu'au bord de la mer pour y ramasser des coquillages qui serviraient de cuillers, de louches et de soucoupes. Elle accompagna les chasseurs dans leurs expéditions, sécha la viande, quand elle ne cueillait pas avec les femmes les baies, les fruits et les plantes dont le clan se nourrissait. Elle moulut les graines de sa propre réserve en une fine farine plus facile à consommer pour Creb et Dure. Et pourtant, rien ne semblait assouvir son besoin d'activité.
Elle se consacra à Creb, le cajola et prit soin de lui comme elle ne l'avait
jamais fait auparavant. Elle lui confectionnait des mets particuliers pour stimuler son appétit, lui préparait des tisanes et des cataplasmes, l'obligeait à se reposer au soleil et l'entraînait dans de longues promenades. Il parut apprécier sa compagnie et son empressement, et retrouver un peu de sa vigueur et de sa bonne humeur. Mais l'intimité et la confiance de leurs conversations d'antan avaient disparu et ils se promenaient le plus souvent sans mot dire.
Brun aussi vieillissait. Ayla prit soudain conscience du changement qui s'était opéré en lui le jour o˘ elle le vit observant du haut du promontoire les chasseurs qui s'éloignaient vers les steppes jusqu'à ce qu'ils ne fussent plus que de minuscules silhouettes se fondant dans les hautes herbes. Sa barbe et ses cheveux étaient devenus presque blancs, de profondes rides sillonnaient son visage, et ses muscles, quoique encore vigoureux, se rel‚chaient. Il rentra lentement à la caverne et passa le reste de la journée à son foyer. Il accompagna les chasseurs à leur expédition suivante, mais quand il resta seul pour la deuxième fois, Grod, fidèle second, lui tint compagnie.
Un beau jour, vers la fin de l'été, Durc arriva en courant à la caverne.
- Maman ! Maman ! Un homme ! Il arrive
Ayla se précipita à l'entrée ainsi que tout le clan, pour regarder l'étranger gravir la côte.
- Tu crois qu'il vient te chercher, Ayla ? demanda Uba, tout excitée.
- Je n'en sais pas plus que toi, Uba.
Ayla, extrêmement tendue, éprouvait des sentiments mitigés. Elle souhaitait et redoutait à la fois que le visiteur fasse partie du clan des parents de Zoug. L'homme s'arrêta pour parler à Brun, puis le suivit jusqu'à son foyer. Peu après, Ebra vint chercher la jeune femme.
- Brun veut te voir, lui dit la compagne du chef.
Le coeur battant la chamade, elle crut que ses jambes ne la soutiendraient jamais jusqu'au foyer de Brun. Elle se laissa tomber à ses pieds. Il lui tapa sur l'épaule.
- Voici Vond, Ayla, dit-il en désignant le visiteur. Il vient du clan de Norg pour te voir. Sa mère est malade, et leur guérisseuse n'arrive pas à
la soigner. Elle a pensé que tu connaîtrais peut-être un remède.
Ayla s'était fait une renommée d'habile guérisseuse lors du Rassemblement.
L'homme avait fait seul ce long chemin pour solliciter sa compétence ; il n'était pas venu pour elle. Le soulagement l'emporta sur sa déception. Vond ne resta que quelques jours, mais donna force nouvelles de son clan. Le jeune homme blessé par l'ours des cavernes avait passé l'hiver avec eux, et il était reparti au printemps, sur ses deux jambes et boitant à peine. Sa compagne avait donné le jour à un beau garçon qu'on avait baptisé Creb.
Après avoir interrogé l'homme sur le mal dont souffrait sa mère, Ayla lui remit au moment du départ un petit paquet et lui donna des instructions précises à l'intention de leur guérisseuse.
Après le départ de Vond, Brun réfléchit de nouveau au problème que lui posait Ayla. Il avait différé toute décision à son sujet tant qu'il subsistait quelque espoir de la voir acceptée par un autre clan. Mais à
présent que Vond avait fait la preuve que tout émissaire désirant les trouver pouvait y parvenir, il n'y avait plus rien à espérer. Il fallait chercher une solution à l'intérieur du clan.
Le jour o˘ Broud serait le chef, ce serait à lui de prendre Ayla dans son foyer, mais Brun préférait lui laisser l'initiative de cette décision, et puis tant que Mog-ur vivrait, il n'y avait pas lieu de précipiter les choses. Broud semblait avoir dominé l'excessive aversion qu'il éprouvait envers la jeune femme ; il ne la harcelait plus jamais et lui commandait rarement une t‚che. Peut-être est-il prêt enfin pour me succéder, pensa Brun. Mais un doute subsistait encore dans son
Weitere Kostenlose Bücher