Le clan de l'ours des cavernes
elle avait décidé que l'animal pouvait passer la nuit à
l'intérieur de la caverne. Bien entendu, Whinney avait tenu à dormir à
côté d'elle. Mais Ayla, qui utilisait pourtant du crottin sec pour allumer son feu, n'appréciait guère la présence d'excréments frais sur sa fourrure.
Elle savait aussi que son lit serait bientôt trop petit pour les contenir toutes les deux. quand venait le moment de se coucher, elle poussait donc gentiment la jeune pouliche vers sa litière et l'obligeait à y rester.
- J'espère que les réserves que j'ai faites pour toi seront suffisantes, dit-elle à Whinney. J'aimerais bien savoir combien de temps dure l'hiver dans cette partie du continent...
Cette incertitude la déprimait un peu. S'il n'avait pas fait nuit, elle serait bien allée marcher pour se changer les idées.
Lorsqu'elle vit que Whinney était en train de mordiller le panier dans lequel elle avait placé la bouillie, elle alla chercher une brassée de foin.
- Halte-là, Whinney ! Tu n'es pas censée manger le récipient dans lequel se trouve ta nourriture.
Sentant que le petit cheval avait besoin d'affection, Ayla lui gratta gentiment la tête. quand elle s'arrêta, Whinney approcha son museau de sa main et lui présenta son flanc.
- J'ai l'impression que ça te démange, dit Ayla en la grattant à nouveau.
Attends ! Je crois que j'ai une idée.
Elle alla fouiller dans le coin o˘ elle avait placé les divers matériaux qu'elle comptait utiliser durant l'hiver et en sortit une touffe de cardères. quand la fleur de cardère est sèche, il reste un capitule épineux, allongé, de forme ovoÔde. Ayla en détacha un de sa tige et s'en servit pour brosser le flanc de Whinney. Elle la brossa à un autre endroit et, comme la jeune pouliche semblait apprécier le traitement, finit par l'étriller entièrement.
Lorsqu'elle eut terminé, elle prit tendrement Whinney par l'encolure et se laissa tomber à côté d'elle.
Ayla se réveilla en sursaut. Elle resta sans bouger, les yeux ouverts.
quelque chose clochait. Pourquoi sentait-elle un courant d'air froid ? Elle avait aussi l'impression d'avoir entendu un reniflement. Venait-il du fond de la caverne ou de dehors ? Il faisait tellement sombre qu'elle n'arrivait pas à voir quoi que ce soit.
Il faisait tellement sombre... Mais oui ! Elle savait ce qui clochait aucune lueur provenant du foyer n'éclairait l'intérieur de la caverne. Et puis elle n'était pas couchée à l'endroit habituel. La paroi contre laquelle elle se trouvait n'était pas du bon côté. Et voilà que ça recommençait ! A nouveau ce reniflement ! Pourquoi suis-je couchée sur la litière de Whinney ? se demanda-t-elle. J'ai d˚ m'endormir près d'elle et j'ai oublié de couvrir le feu. Et maintenant il est éteint. C'est la première fois que ça m'arrive depuis que je vis dans la vallée.
Ayla frissonna et sentit ses cheveux se dresser sur sa tête. Elle aurait été incapable de définir avec des mots ou des gestes le pressentiment qui venait de l'envahir, mais elle était persuadée de l'imminence du danger.
quelque chose allait arriver. quelque chose qui était lié à l'absence de feu. Elle le sentait.
Ce n'était pas la première fois qu'elle éprouvait ce genre de pressentiment. Elle était douée de cette faculté depuis la nuit o˘ elle avait assisté à la cérémonie nocturne que présidait Creb. Cette nuit-là, Creb ne pouvait pas la voir, mais il avait senti sa présence à l'intérieur de la caverne. Et elle-même avait senti qu'il prenait possession de son esprit. Elle avait alors eu la vision de choses qu'elle ne pouvait pas expliquer. Ensuite, il lui était arrivé de faire preuve de prescience dans certaines situations. Par exemple, elle savait que Broud était en train de la regarder même lorsqu'elle lui tournait le dos et elle n'ignorait plus rien de la haine qu'il éprouvait à son égard. Avant le tremblement de terre, elle savait d'avance qu'il allait se passer quelque chose qui entraînerait la mort et la destruction dans la caverne du clan.
Mais jamais ce sentiment n'avait été aussi fort que maintenant. Elle éprouvait à la fois de l'anxiété et de la peur - non pas à cause de l'absence de feu, elle s'en rendait compte soudain, ni pour elle-même, mais pour un être qu'elle chérissait.
Sans faire de bruit, elle se mit debout et se dirigea vers le foyer dans l'espoir qu'il y restait encore une braise qu'elle pourrait ranimer. Le feu était bien mort.
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