Le clan de l'ours des cavernes
la menace en s'élançant aux côtés de son fils et en abattant sa massue sur le cr‚ne de la bête de toute la force de ses muscles puissants.
Le bison s'écroula sur le flanc, battit l'air de ses sabots et, après quelques soubresauts, cessa de bouger.
Broud resta quelques secondes stupéfait et légèrement étourdi, puis il poussa un hurlement de triomphe. Il avait réussi sa première chasse ! Il était enfin un homme !
Exultant, il saisit la hampe de son épieu profondément enfoncé dans la chair de l'animal et, comme il l'arrachait d'un coup sec, un jet de sang chaud lui gicla au visage. Brun, plein de fierté, lui tapa sur l'épaule.
- Bien joué, lui signifia-t-il d'un geste éloquent, tout heureux de pouvoir compter dans ses rangs ce nouveau chasseur, ce vaillant chasseur qui faisait sa joie et l'honorait, le fils de sa compagne, l'enfant de son coeur.
La caverne leur appartenait désormais. La cérémonie rituelle scellerait définitivement une possession que la mise à mort de Broud leur avait assurée : les totems étaient satisfaits de leur choix. Broud brandit sa lance maculée de sang tandis qu'accouraient les chasseurs, tout joyeux à la vue de la bête abattue. Brun dégaina son couteau et ouvrit le ventre du bison pour l'étriper avant de le transporter à la caverne. Il ôta le foie, le découpa en tranches et donna un morceau à chacun des hommes. C'était un morceau de choix, réservé aux chasseurs, destiné à leur conférer force et acuité visuelle. Puis il trancha le coeur qu'il enterra auprès de l'animal pour en faire présent à son totem.
En m‚chant le foie cru imprégné de chaleur, Broud go˚ta pour la première fois la saveur de l'‚ge adulte et crut que son coeur allait exploser de bonheur. Il allait être intronisé en tant qu'homme du clan lors de la cérémonie sanctifiant la caverne. Il conduirait la danse de la chasse, et il aurait allégrement donné sa vie rien que pour avoir vu l'orgueil qui se lisait sur le visage de Brun. Broud savourait déjà l'intérêt qu'il susciterait au sein du clan, sans compter le respect et l'admiration qui lui reviendraient assurément. Le clan entier ne résonnerait que du récit de ses prouesses. Cette nuit serait sa nuit, et dans les yeux d'Oga se lirait toute la dévotion éperdue d'une jeune fille pour le héros de ses rêves.
Les hommes attachèrent deux à deux les pattes du bison, au-dessus de la jointure des genoux. Grod et Droog lièrent leurs lances ensemble, imités par Crug et Goov, et obtinrent ainsi deux perches fort résistantes qu'ils glissèrent transversalement entre les pattes avant et entre les pattes arrière. Brun et Broud saisirent chacun l'animal par une corne ; Grod et Droog se placèrent de part et d'autre du bison pour porter la perche avant, tandis que Crug et Goov procédaient de même pour celle de derrière. Au signal de leur chef, les six hommes se mirent en branle, moitié traînant, moitié soulevant l'énorme bête. Le voyage du retour dura plus longtemps que l'aller, les porteurs peinant pour transporter leur fardeau à travers les steppes jusqu'à la caverne.
Oga, qui guettait leur retour, les aperçut au loin dans les plaines. En arrivant dans la montagne, ils découvrirent que le clan tout entier les attendait pour les escorter pendant la fin du trajet. La position de Broud en tête du cortège indiquait clairement la part qu'il avait prise dans cette chasse. L'enthousiasme était général et Ayla elle-même, sans trop comprendre ce qui se passait, se sentait déborder d'allégresse.
- Le fils de ta compagne s'est bien comporté, Brun. Ce fut une belle mise à
mort, dit Zoug, tandis que les chasseurs déposaient le pesant animal devant la caverne. Tu peux être fier de ton nouveau chasseur.
- Il s'est montré vaillant et courageux, répondit Brun, en tenant Broud par les épaules, les yeux brillants de fierté.
La félicité du garçon était à son comble.
Zoug et Dorv admirèrent le jeune bison avec un soupçon de nostalgie pour les plaisirs de la chasse et l'excitation du succès, oubliant les dangers et les découragements accompagnant souvent la périlleuse aventure de la traque du gros gibier. Incapables de se joindre à l'expédition des jeunes, les deux vieillards avaient passé la matinée à écumer les bois environnants à la recherche de petit gibier.
- Je vois que Dorv et toi n'avez pas perdu votre temps, à en juger par le fumet du repas qui se prépare, ajouta Brun.
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