Le clan de l'ours des cavernes
et non sans un certain malaise que le comportement, le caractère et les pensées de la fillette étaient non pas bl‚mables mais différents, et cela le troublait profondément. Mais que pouvait-il trouver à redire quand il la voyait arriver avec son panier rempli de plantes utiles et bénéfiques au clan ?
De temps à autre, Ayla ne ramenait pas seulement de la verdure. Sa disposition particulière envers les animaux, qui avait tant frappé le clan, s'était affirmée et imposée à tous au point que personne ne s'étonnait plus de la voir ramener une bête blessée pour la soigner. Le lapin qu'elle avait découvert juste après la naissance d'Uba fut le premier d'une longue série.
Elle savait parfaitement mettre les animaux en confiance. Brun, qui ne s'était pas senti le courage de le lui interdire, ne s'éleva qu'une seule fois contre cette habitude saugrenue : le jour o˘ elle revint avec un louveteau. La capacité de tolérance du clan s'arrêtait aux carnivores contre lesquels les chasseurs devaient défendre leurs proies. Il arrivait plus d'une fois qu'une bête traquée, peut-être même blessée, se trouve enfin à portée d'arme pour tomber au dernier moment entre les griffes d'un carnassier plus rapide. Brun ne pouvait pas permettre le sauvetage d'une bête susceptible de voler d'aventure au clan l'une de ses prises.
Un jour, alors qu'Ayla s'affairait à genoux à déterrer une racine, un lapin à la patte légèrement tordue surgit de sous un buisson et, furtivement, vint lui renifler les pieds. Se gardant de tout geste brusque, elle tendit lentement la main pour caresser l'animal. Es-tu mon lapinUba ? Mon bébé
lapin ? pensa-t-elle. Tu es devenu grand et fort. Mais ton accident ne t'at-il pas appris à te montrer plus prudent ? Tu devrais te méfier des hommes, tu sais, sinon tu risques fort de te retrouver en train de rôtir au-dessus d'un feu, continua-t-elle ainsi en sentant sous ses doigts la douceur du pelage. Soudain, un coup de vent et le bruissement des buissons alertèrent l'animal, qui détala droit devant lui puis exécuta un stupéfiant demi-tour pour bondir dans la direction opposée.
- Tu cours si vite, je ne vois pas comment on pourrait t'attraper. Comment arrives-tu à faire des demi-tours pareils ? signifia-t-elle en gestes à
l'adresse du lapin qui s'était évanoui dans les broussailles.
Et, comme elle éclatait de rire, elle se fit la remarque que c'était la première fois depuis longtemps qu'elle n'avait pas ri si franchement. Elle avait appris à refouler ses éclats de rire, car le bruit éveillait toujours les regards réprobateurs du clan. Durant sa promenade, ce jour-là, elle trouva plus d'un motif de se laisser aller à rire à gorge déployée.
- Ayla ! appela Iza un beau matin. Veux-tu aller me chercher de l'écorce de merisier ? Je ne peux pas utiliser celle qui me reste, elle est trop vieille. Il y a un bouquet de merisiers de l'autre côté de la rivière, juste après la clairière. Tu vois o˘ c'est ?
- Oui, maman, je sais o˘ ils sont, répondit Ayla.
C'était une superbe matinée de printemps. Les derniers crocus blancs et mauves étaient blottis auprès des premières jonquilles. Un léger tapis d'herbe tendre et bien verte commençait à croître dans le sol humide. De minuscules points verdoyants parsemaient çà et là les branches nues des buissons et des arbres, premiers bourgeons s'ouvrant à la vie. Un timide soleil dispensait ses encouragements au renouveau de la nature.
Dès qu'elle eut disparu aux regards du clan, Ayla retrouva sa liberté
d'allure, heureuse de ne plus avoir à surveiller sa démarche et sa conduite. Elle descendit une pente, en remonta une autre, un sourire de contentement aux lèvres, s'amusant à répertorier les plantes qu'elle rencontrait au passage.
Il y avait de nouveaux pieds de ces baies violettes de phytolacca qu'elle avait cueillies à l'automne précédent. J'arracherai quelques racines au retour, se dit-elle. Iza prétend que les racines sont bonnes pour les rhumatismes de Creb. J'espère que l'écorce de merisier fera du bien à Iza.
Elle semble aller mieux mais elle a tellement maigri. Et elle devrait arrêter de porter Uba, qui est devenue si lourde. Si c'est possible, j'emmènerai Uba avec moi la prochaine fois. Elle commence à s'exprimer. Il me tarde qu'elle grandisse et que nous puissions nous promener ensemble.
Oh, comme ces saules blancs paraissent veloutés quand ils sont jeunes ; curieux qu'ils
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