Le clan de l'ours des cavernes
entreposés n'en pourrissaient pas moins vers la fin de l'hiver. La petite fille commençait à rêver de la saison prochaine. Elle avait remarqué la présence d'un filet d'eau .dans la rivière encore gelée, signe qu'elle ne serait pas longue à se libérer de la glace. Il lui tardait de retrouver la saveur des premiers légumes, des bourgeons, de la résine sucrée de l'érable que l'on recueillait pour la faire bouillir dans de grands récipients en peau jusqu'à ce qu'elle se transforme en un épais sirop, conservé dans des pots faits d'écorce de bouleau. Le bouleau lui-même fournissait un sirop, mais moins bon que l'érable.
Ayla n'était pas la seule à déplorer la longueur de ce pénible hiver, qui confinait le clan à l'intérieur de la caverne. Au lever du jour, le vent du sud avait commencé à souffler, porteur de la douce et tiède odeur de la mer proche. Les longues stalactites qui obstruaient partiellement l'entrée de la grotte commencèrent de fondre. Mais un peu plus tard dans la matinée, la température chuta brusquement, gelant de nouveau les pointes acérées.
Néanmoins, chacun avait senti dans cette brise l'approche imminente du printemps.
Les femmes travaillaient en bavardant, conversant à leur habitude avec leurs mains, à l'aide de gestes brefs et éloquents, sans pour autant interrompre un seul instant leurs t‚ches. Vers la fin de l'hiver, au moment o˘ venaient à s'épuiser les provisions, elles avaient coutume de mettre en commun leurs réserves et de faire la cuisine ensemble tout en continuant à
manger séparément, sauf à l'occasion d'événements particuliers. Les festins étaient plus nombreux en hiver, agréable façon de rompre la monotonie des jours. Le clan avait largement de quoi manger. Entre deux tempêtes de neige, les chasseurs parvenaient à rapporter à la caverne quelque menu gibier ou un vieux daim, dont on aurait d'ailleurs fort bien pu se passer, étant donné l'abondance de viande séchée en réserve. La vieille Aba racontait une histoire aux femmes, dont le go˚t pour les légendes du clan avait été réveillé par le récit que venait de faire Dorv.
" ... Mais l'enfant était difforme. Alors, obéissant aux ordres du chef, sa mère l'emporta, la mort dans l'‚me, décidée à ne pas le laisser mourir.
Elle grimpa dans un arbre et l'attacha aux branches les plus hautes, inaccessibles même aux chats sauvages. Le bébé se mit à pleurer à son départ et eut si faim au cours de la nuit qu'il hurla comme un loup, empêchant tout le monde de dormir. Il brailla jour et nuit, mais tant qu'il pleurait et criait, sa mère le savait vivant.
Le jour o˘ il devait recevoir un nom, la mère s'empressa de grimper dans l'arbre, très tôt le matin. Et non seulement son fils était encore en vie, mais son infirmité avait disparu ! Il était devenu normal et bien portant.
Le chef, qui n'avait pas voulu de l'enfant dans le clan, fut obligé de l'accepter et de lui faire donner un nom. Par la suite, l'enfant devint chef à son tour et il fut toujours reconnaissant à sa mère de lui avoir évité une mort certaine. Il lui remettait une part de ses chasses et ne la battit ni ne la réprimanda jamais, et il la traita toujours avec le plus grand respect, conclut Aba.
- quel enfant pourrait survivre sans manger dans les premiers jours après sa naissance ? demanda Oga en jetant un regard sur son robuste petit Brac, qui venait de s'endormir. Et comment a-t-il pu devenir chef si sa mère n'était pas déjà la compagne du chef ?
Oga était particulièrement fière de son nouveau-né, et Broud plus fier encore que sa compagne ait si rapidement donné naissance à un fils. Brun lui-même se départait quelque peu de sa dignité en contemplant l'enfant qui assurerait la pérennité de la direction du clan.
- qui serait le futur chef si tu n'avais pas eu Brac, Oga ? lui demanda Ovra. Et si tu n'avais eu que des filles ? Il se peut fort bien que cette femme ait été l'épouse du second ou bien qu'il soit arrivé malheur au chef...
Ovra enviait un peu cette femme plus jeune qu'elle-même, qui venait d'avoir un enfant de Broud, alors qu'elle-même attendait encore d'en avoir un de Goov avec lequel elle s'était pourtant unie bien avant Broud et Oga.
- De toute façon, comment un enfant difforme peut-il devenir soudain normal et en bonne santé ? rétorqua Oga.
- Je crois que cette histoire a été inventée par une femme qui avait un enfant anormal et souhaitait
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