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Le Code d'Esther

Le Code d'Esther

Titel: Le Code d'Esther Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Bernard Benyamin , Yohan Perez
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une constante, il suffit parfois d’évoquer le problème pour qu’il se matérialise…
    Yohan pensait qu’une rencontre avec une autorité religieuse était indispensable à ma « formation ». « Ta démarche est légitime. Tu dois obtenir la position officielle du rabbinat sur le Livre d’Esther, avait-il insisté. D’autant que nous avons la chance d’avoir quelqu’un de brillant à sa tête. » Je connaissais Gilles Bernheim de réputation. Agrégé de philosophie, marié à une psychanalyste, fermement engagé dans le dialogue interreligieux, c’est un véritable intellectuel qui est devenu grand rabbin de France le 1 er  janvier 2009. Réfutant le qualificatif de « libéral », il s’est pourtant toujours montré ouvert au monde extérieur, déclarant lors d’une interview : « Si un discours religieux s’adresse à certaines personnes et qu’il n’est pas audible par d’autres, nous ne sommes pas dans le lien social, mais dans le particularisme. La grandeur d’une religion réside dans sa capacité non pas de conviction, mais de donner à penser à ceux qui ne croient pas en cette tradition. » Le type même de credo qui galvanise l’esprit et promet des échanges passionnants sur le plan des idées. Que pense-t-il du personnage d’Esther, de sa place dans la religion juive, quel regard porte-t-il sur la figure d’Aman, quelle philosophie tire-t-il de cette histoire incroyable ?
    Mon premier contact avec son assistant n’est pas d’une franche convivialité. Au ton de sa voix, aux silences qui suivent mes explications, je sens immédiatement que je dérange. Mon interlocuteur m’encourage à adresser mon projet par e-mail en me prévenant que ma demande va être difficile à satisfaire. Pourquoi pas, me dis-je pour me rassurer : ces gens sont sans cesse sollicités, il est naturel qu’ils se renseignent soigneusement avant toute décision. D’ailleurs, le lendemain, je reçois une avalanche de questions par retour de courrier électronique : qui sont les personnalités interviewées dans le livre, quelles sont les questions précises que je souhaiterais poser, y a-t-il une fondation ou une organisation qui finance mon projet, quel est mon éditeur, quand doit paraître le livre… ? Consciencieusement, je donne toutes les informations dont je dispose, confiant dans ma démarche. Yohan sourit, amusé par la situation, pas mécontent de voir mon assurance battue en brèche à propos d’un entretien qui paraissait facile à obtenir. Trois semaines vont ainsi passer, entre e-mails et coups de téléphone, avant que la décision ne tombe :
    « Désolé, me dit l’assistant de Gilles Bernheim, le grand rabbin ne pourra pas vous recevoir. Beaucoup de rendez-vous, des choses importantes à régler…
    — C’est parce que l’entretien porte sur le Livre d’Esther ?
    — Pas du tout ! Ça n’a rien à voir !
    — Je n’avais aucune question piège, vous savez…
    — Mais puisque je vous dis que ça n’a rien à voir ! »
    Ce n’est rien. Juste une intonation un peu plus forte que les autres. Mais l’agacement est bien là, et je commence à penser que ce projet sent un peu le soufre.
    « D’ailleurs, pour vous assurer de sa bonne volonté, il se propose d’écrire une préface à votre livre… S’il lui convient, bien évidemment.
    — Vous voulez dire que le grand rabbin aura le temps d’écrire une préface mais qu’il n’a pas une demi-heure à m’accorder ?
    — La préface, c’est seulement si le livre lui plaît… »
    J’abandonne. Yohan est hilare. L’as de trèfle a refusé de montrer son jeu.
     
     
    Novembre avait attendu son dernier jour pour enfin se révéler : vent fraîchissant, pluie cinglante et nuages bas que ne dissiperait nul soleil avant des semaines. On avait ressorti manteaux et parapluies, rassurés : tout allait bien, nous avions enfin retrouvé un temps de saison qui éloignait de nous le spectre du réchauffement climatique.
    Et j’attendais.
    Cela faisait huit jours que je me préparais à rencontrer l’homme qui avait fait basculer la vie de Yohan, celui qui allait me donner les clés de la connaissance, le sésame pour faire le lien entre une histoire vieille de 2 300 ans et les dernières paroles d’un condamné à mort à Nuremberg en 1946. Il était de passage à Paris, où il devait animer un séminaire sur les prophéties de la Torah, son domaine de prédilection. Pour dire la vérité, et bien

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