Le Code d'Esther
Vieille Ville, faisant progressivement passer de l’obscurité à la lumière les énormes blocs de granit centenaires. Un léger murmure monte jusqu’à nous, la rumeur de l’activité humaine, achevant de chasser les fantômes de la nuit. L’appel du muezzin nous surprend alors que Yohan et moi décidons de nous asseoir sur un muret de pierres mal assemblées, au sommet du mont des Oliviers. En contrebas, les dalles blanches du plus grand cimetière juif du monde. Selon la tradition, c’est ici que le Messie apparaîtra et réalisera la résurrection des morts – ceux qui y sont enterrés seront donc parmi les premiers ressuscités. Au pied de la colline, on aperçoit le clocher de la basilique de Gethsémani, bâtie autour de la fameuse roche où Jésus aurait prié avant sa Passion. Et puis, accrochant déjà le soleil, les bulbes d’or de l’église orthodoxe russe de Sainte-Marie-Madeleine.
Plusieurs minutes s’écoulent avant que Yohan ne brise le silence.
« Ça va mieux ? »
Je mets un moment avant de répondre.
« Oui, beaucoup mieux. Je suis encore un peu groggy, j’ai du mal à faire le tri parmi l’avalanche d’informations qui s’est abattue sur nous, mais ça va mieux… »
Les jambes endolories, le dos bloqué et la respiration courte, j’ai l’impression de sortir d’un marathon qui aurait duré toute la nuit. Pourtant, le soleil qui monte derrière nous commence déjà à réchauffer les corps et à apaiser les esprits.
« Qu’est-ce que tu penses, toi, de tout ça ?
— Convaincant ! rétorque Yohan. Je n’en reviens pas ! J’ai envie de te dire comme le Professeur : je ne suis pas surpris, je pressentais tout cela. Mais je suis choqué ! »
Il s’arrête quelques secondes et repart aussitôt :
« La première chose qui m’ait interloqué, c’est quand il nous a dit qu’il avait été mis sur la piste par un coup de fil. Il ne savait plus qui l’avait appelé ni où cette personne avait lu l’information, mais il s’était mis immédiatement au travail sans se poser plus de questions.
— Et alors ?
— Comment ça, “et alors” ? Tu connais beaucoup de mecs qui décryptent un mystère vieux de 2 300 ans à la suite d’un coup de fil dont ils ne savent plus rien ? Tu trouves ça plausible ? »
Yohan commence à parler par saccades. Il agite les mains et donne à penser qu’il remet en cause ce que nous avons entendu. Un moment, j’ai l’impression qu’il va me rejoindre dans la sphère du scepticisme.
« Ça ne tient pas debout, reprend-il sans attendre ma réaction. Non, la vraie raison, elle est ailleurs : il nous l’a donnée lui-même. “C’est une lumière qui m’est tombée du ciel”, dit-il. Cela te fait penser à quelque chose ? Par pudeur probablement, il n’a pas voulu nous dire qu’il avait reçu un signe d’origine divine… »
Je suis déçu. J’ai cru que mon ami partageait mes doutes et ce sentiment d’inachevé qui ne m’a pas quitté depuis notre rencontre avec le Professeur. Au contraire, Yohan a trouvé en une nuit la justification de sa foi, l’aboutissement de ses années de travail et la preuve irréfutable qu’il ne s’était pas trompé. Je ne peux pas le suivre sur ce terrain ; mon ami le sait et tient à respecter mes convictions.
« Je vais t’avouer quelque chose… continue-t-il sur sa lancée. Tu m’as énervé avec toutes tes questions. En tout cas, au début. On avait l’impression que tu avais engagé un bras de fer avec Neugroschel… Mais, en même temps, quelle constance ! Quel professionnalisme ! Il fallait que tu trouves la faille, sans rien laisser de côté. Coûte que coûte, tu voulais des preuves, des faits et pas d’interprétations. Franchement, tu m’as impressionné… »
Il n’en fallait pas plus pour me libérer. Je pars dans un immense éclat de rire qui évacue toutes les tensions accumulées depuis hier soir. Quelques passants se retournent, surpris et sans doute choqués par cette hilarité manifestée de façon aussi exubérante devant un cimetière. Puis le silence s’installe à nouveau entre nous, chacun perdu dans ses pensées. Puis Yohan relance la conversation :
« Au fait, tes parents ont connu Jérusalem ?
— Euh… oui. Mais pourquoi cette question ?
— Je ne sais pas… Ce cimetière, ta mère qui est à l’origine de notre rencontre, la nuit que nous venons de passer… Je ne sais pas… »
Ce
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