Le Code d'Esther
rapport, indique que ces comptes ont été ouverts par Hitler au nom de Max Amann. Ce dernier, est-il précisé, était un compagnon de la première heure et patron de la maison d’édition du Parti national-socialiste qui a publié Mein Kampf .
Le rapport indique en outre qu’il est très possible que les droits d’auteur du livre ainsi que certaines sommes d’argent confisquées par les nazis à l’étranger se trouvent toujours dans les coffres de la banque helvétique sur un compte au nom d’Amann.
Un porte-parole de l’UBS a déclaré qu’il était illégal pour la banque de parler en public de comptes individuels. Dans ces conditions, il ne pouvait confirmer ou démentir cette information, même si les comptes avaient été fermés.
Je n’en croyais pas mes yeux : ainsi donc, Hitler avait ouvert plusieurs comptes secrets au nom d’Amann pour y déposer les droits d’auteur de Mein Kampf . Lorsque l’on songe que le livre s’est vendu à 10 millions d’exemplaires jusqu’en 1945, on imagine les sommes colossales qui pourraient se trouver sur ces comptes.
« Je pense, mon cher Axel, que nous allons faire un crochet par la Suisse avant de regagner Paris.
— Alors, je propose qu’auparavant, me répond-il en étouffant un bâillement, nous nous précipitions au restaurant pour avaler un bon petit déjeuner ! »
Quelques minutes plus tard, nous sommes les premiers clients à pénétrer dans la salle à manger de l’hôtel. Par les grandes baies vitrées se déverse une lumière liquide provenant de la rue. Le jour se lève et la pluie a cessé. La serveuse prend notre commande en souriant, le visage frais, s’étonnant de nous trouver si matinaux. De toute évidence, elle a passé une bonne nuit et semble vouloir nous faire profiter de son humeur radieuse. Elle s’enquiert des raisons de notre présence dans la région, et nous lui expliquons que nous écrivons un livre sur le séjour de Hitler à la prison.
« Hitler… dit-elle en secouant la tête. Si on l’avait fusillé pendant qu’on le tenait ici, rien de ce qui s’est passé par la suite ne serait survenu ! »
C’est la première parole sensée que nous entendons depuis que nous sommes arrivés à Landsberg.
Quarante-huit heures plus tard, nous voici à nouveau sur la route. Le temps est dégagé et, sauf incident de parcours, nous arriverons à Zurich dans moins de deux heures. Nous avons rendez-vous dans l’après-midi dans une grande banque suisse dont je n’ai pas le droit de révéler le nom, avec deux personnes qui doivent rester anonymes. La condition n’est pas négociable, et je l’ai acceptée : c’est ma seule possibilité de faire avancer l’enquête, même si mon espoir d’en savoir davantage est très ténu.
Nos deux derniers jours à Landsberg se sont déroulés sereinement, partagés entre la préparation du voyage à Zurich et de longues promenades dans la vieille ville. À plusieurs reprises, la curiosité nous a ramenés vers le « cimetière des pendus » – nous avons même caressé l’idée, un moment, d’y passer la nuit, tapis dans notre voiture, afin de surprendre la personne qui fleurit la tombe d’Oswald Pohl… Mais à quoi cela nous aurait-il servi ? À mettre un visage sur un ou une nostalgique du III e Reich ? Il faut savoir parfois laisser retomber le silence sur la solitude de l’infamie.
C’est sans doute un effet placebo, mais depuis que nous avons franchi la frontière suisse les autoroutes nous paraissent plus belles, l’air plus frais et la campagne environnante plus riche. Le soleil est de retour, signe que nous avons définitivement laissé derrière nous les nuages menaçants de Landsberg.
Entre deux indications routières, Axel est plongé dans la documentation sur Mein Kampf que nous avons réussi à constituer. Et il n’est pas anodin de noter que notre enquête, partie d’un texte ancien, va s’achever sur l’un des documents les plus terrifiants du siècle dernier : si l’on doutait encore de la puissance de l’écrit…
À sa parution, et dans les quelques années qui suivent, Mein Kampf connaît un succès très modeste : en 1929, à peine 23 000 exemplaires du premier tome se sont écoulés, et seulement 13 000 du second tome (que Hitler a rédigé dans la foulée et qu’il va bientôt réunir au premier, constituant un seul volume de plus de 700 pages). À partir de 1930, le livre fait un bond spectaculaire,
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