Le Code d'Esther
preuve que les idées exprimées intéressent de plus en plus d’Allemands, et les ventes atteignent le chiffre record de 1,5 million d’exemplaires. En 1936, alors que Hitler est au pouvoir, il décide d’en faire le cadeau personnel de l’État à tous les couples qui se marient. Parallèlement, une ordonnance du ministère de l’Éducation encourage fortement les enseignants à l’étudier avec leurs élèves. Les Jeunesses hitlériennes apprennent par cœur certains passages du livre. Une véritable frénésie s’empare alors du pays : le livre est édité en plusieurs formats, dont une version de luxe réservée aux dignitaires nazis. Le régime n’oublie pas les non-voyants : un texte en braille est publié, que l’on peut consulter aujourd’hui à la bibliothèque de Munich. Mein Kampf envahit l’Europe : le livre est traduit en seize langues, passant les frontières aussi facilement que le fera l’armée allemande quelques années plus tard. Ian Kershaw, le meilleur biographe de Hitler, calcule qu’en 1945 plus de 12 millions d’exemplaires auront ainsi été vendus.
L’un des épisodes les plus tragiques dans lesquels s’illustre Mein Kampf a lieu le 10 novembre 1938, durant la « Nuit de cristal ». Les nazis ont décidé d’organiser un pogrom parmi la communauté juive de Baden-Baden, au sud-ouest du pays. Ils rassemblent les fidèles juifs dans la principale synagogue de la ville et obligent un notable, le D r Flehinger, à lire des extraits de Mein Kampf du haut de la teba , l’estrade où se tient le rabbin pour célébrer les offices et commenter les textes sacrés. Puis ils font évacuer le bâtiment et y mettent le feu. La majorité des fidèles sera déportée vers les camps de Dachau et de Buchenwald 7 .
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Et puis il y a l’argent de Mein Kampf . Selon différentes sources, Hitler aurait payé son « nid d’aigle » de Berchtesgaden grâce aux royalties de la « Bible nazie ». Il faut dire que ses revenus littéraires sont si élevés qu’ils lui permettent de prendre une mesure spectaculaire dès son arrivée au pouvoir en 1933 : il décide solennellement de renoncer à sa solde de chancelier. La symbolique du geste enflamme le pays : cet homme n’est décidément pas comme les autres, il n’est pas au pouvoir par intérêt mais pour la grandeur de l’Allemagne, loin de l’affairisme et de la corruption de ses prédécesseurs. Jusqu’à la fin de la guerre, le Führer continue d’engranger les droits d’auteur de son livre, qui aura été, en même temps qu’une véritable mine d’or, l’instrument le plus efficace pour asseoir son pouvoir.
« “Depuis 1945, lit Axel à voix haute, c’est le Land de Bavière qui détient les droits internationaux du livre. Il autorise ou interdit la publication de l’œuvre à travers le monde. Et lorsque, exceptionnellement, il en donne l’autorisation, il s’agit toujours d’éditions partielles, assorties en général d’un avertissement ou de commentaires critiques, mettant en garde le public sur le caractère néfaste de l’œuvre de Hitler.”
— En effet, et c’est ainsi qu’on estime aujourd’hui à 80 millions le nombre d’exemplaires de Mein Kampf vendus à travers le monde…
— Cela doit faire une sacrée somme d’argent ! rêve Axel à voix haute. Bonne opération pour la Bavière !
— Oui, mais elle n’en a plus pour très longtemps : le 1 er janvier 2016, Mein Kampf tombe dans le domaine public.
— Ce qui signifie que le livre sera libre de tout droit et de toute autorisation préalable ! Tu imagines les dégâts qu’il peut encore engendrer ! »
Le monde n’en a pas fini avec ce livre maudit… Quelle revanche pour le petit caporal ! Soixante-dix ans après son suicide dans son bunker de Berlin, et grâce à son œuvre maîtresse, Hitler va peut-être retrouver une seconde jeunesse, de nouveaux adeptes, malgré les dizaines de millions de morts qu’il aura provoqués.
La circulation s’est densifiée. Nous abordons déjà les faubourgs de Zurich. Dans quelques minutes, nous serons dans le centre-ville. Un silence pesant règne dans la voiture.
Le soleil éclabousse la Bahnhofstrasse, les Champs-Élysées zurichois. Il est midi lorsque nous empruntons l’artère piétonne à 70 000 euros le mètre carré
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