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Le Coeur de la Croix

Le Coeur de la Croix

Titel: Le Coeur de la Croix Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: David Camus
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le sien, et s’était déjà attaqué deux fois à Masyaf,
en vain (Dieu en soit remercié), leur combat serait sans répit.
    Leur détermination, absolue.
     
    Quelque temps après avoir répondu à l’invitation de Sinan,
Rawdân avait promu l’un de ses hommes, un manchot nommé Yaqoub, au rang de
muqaddam. Parce qu’il avait glorieusement combattu à Damas au côté des Templiers
blancs, contre ce démon chrétien qui leur avait causé tant de tort, à Hattin.
Parce qu’il était bien vu des Assassins, que son bras droit mutilé
impressionnait. Et parce qu’il avait montré au combat une rage et un
acharnement que Rawdân voulait donner en exemple à tous les Maraykhât, surtout
aux plus jeunes – qui étaient comme de petits scorpions auxquels il
fallait apprendre dès l’enfance à se servir de leur dard.
    Enfin, un soir, alors qu’il se détendait comme d’habitude en
compagnie de jeunes danseuses à peine nubiles, Rawdân ibn Sultân reçut dans sa
tente la visite d’un homme entièrement vêtu de noir : l’envoyé du pape,
Wash el-Rafid, un ismaïlien soi-disant converti au christianisme. En fait,
Rawdân était l’un des rares à voir clair dans son jeu : ce chien galeux ne
faisait que se fier aux recommandations de la taqiyya  ; principe de
la dissimulation qui autorisait dans certaines conditions (notamment de
faiblesse ou d’infériorité) les Mahométans à abandonner pour un temps les
devoirs de leur culte et à simuler une foi qui n’était pas la leur, afin
d’abuser leurs ennemis. Parfois ce temps pouvait durer toute une vie ; les
légendes chiites étaient pleines de ces héros qui se sacrifiaient en endossant
les us et coutumes de leurs pires adversaires pour mieux les frapper le moment
venu, une fois leur méfiance endormie.
    — C’est un beau cadeau que t’a fait notre maître (la
paix soit sur lui), dit Wash el-Rafid en référence aux éléphants de Sinan
entravés dehors.
    — Sur lui soit la paix, répondit Rawdân ibn Sultân. Je
n’en ai jamais reçu d’aussi beau.
    — Tu n’en as jamais fait non plus…, ironisa le Batini.
    Rawdân le regarda avec défiance, se demandant ce que cachait
cette phrase – cette injure, en vérité. Après tout, ces éléphants, il les
avait mérités : ses hommes et lui avaient couru de gros risques pour
capturer Cassiopée.
    — Qu’attendez-vous de moi ? demanda Rawdân,
méfiant.
    — Sinan a décidé de t’offrir un nouveau présent en
t’autorisant à le remercier.
    — C’est trop de grâce, siffla Rawdân ibn Sultân, de
plus en plus sur ses gardes. Tu diras à ton maître qu’il m’accable de sa bonté.
Je ne sais si j’en suis digne.
    — Tu l’es, l’assura el-Rafid. Tu vas d’ailleurs pouvoir
le lui prouver. Si tu sais te montrer à la hauteur de ses bienfaits, dix autres
éléphants, chargés d’or et de pierres précieuses, te seront envoyés. Sinon, ils
le seront à tes ennemis, aux Zakrad ou aux Muhalliq…
    — Et pourquoi le seraient-ils ?
    — Pour te motiver, répondit el-Rafid en commençant à
peler une orange avec son couteau.
    Rawdân pesta intérieurement. Sinan ne lui faisait pas
confiance ! Il agissait avec lui comme avec les autres : il cherchait
à le contraindre tel un vil mercenaire (ce qu’il était, au fond) ; le
menaçant de le faire exterminer par ses ennemis s’il ne lui obéissait pas.
Alors qu’une simple demande de la part de Sinan eût été pour Rawdân une telle
marque d’honneur qu’il eût volontiers donné sa vie pour lui. Ou en tout cas, la
vie des siens.
    — Tu sais que je ferais l’impossible pour Sinan,
susurra Rawdân sur un ton mielleux. Dis-moi ce qui ferait plaisir à mon maître,
que j’aie l’indicible honneur de le satisfaire.
    — Cassiopée s’est enfuie. Sinan (la paix soit sur lui)
aimerait que tu la récupères. Cette fois, tu n’auras pas le droit d’y toucher
et tu devras me la remettre aussi vite que possible, intacte. Sinon, je te
noierai personnellement dans les excréments de tes éléphants. Enfin, nous avons
eu l’infortune d’apprendre que nous avons été dupés par ces mécréants de Taqi
ad-Din et de Saladin (que leurs cadavres alimentent les feux de l’enfer). La
croix dont nous nous sommes emparés n’était pas la vraie. Pour cela, ils
paieront. Je veux que tu les massacres ! Je veux que tes éléphants
aplatissent leurs corps, qu’ils les réduisent à l’état de draps où je me
glisserai le soir pour

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