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Le Coeur de la Croix

Le Coeur de la Croix

Titel: Le Coeur de la Croix Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: David Camus
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lâcha sa torche, dont la lueur rougeoyante
vacilla, les plongeant dans le noir.
    Sohrawardi poussa un grognement, et le mamelouk se releva.
Il chercha à saisir al-Afdal, mais celui-ci avait déguerpi. L’enfant avait filé
dans une galerie repérée peu auparavant, remettant son sort entre les mains
d’Allah. Courant aussi vite que possible, il suivait de l’épaule une paroi, qui
l’amena plusieurs fois à tourner, le conduisant loin de ses poursuivants –
dont les pas s’estompaient derrière lui. Épuisé, apeuré, al-Afdal s’arrêta un
moment pour souffler, puis repartit à l’aveuglette dans une autre direction.
C’est alors que le sol se déroba sous ses pieds et qu’il glissa dans une nuit
plus noire que la précédente.
     
    *
     
    Morgennes et Taqi se quittèrent à l’entrée des mines
creusées par les sapeurs sous les murailles à l’est de Jérusalem. Au-dessus
d’eux s’élevaient les hautes formes blondes de la porte Dorée, qui donnait à
l’intérieur sur l’esplanade du Temple, que Taqi appelait le Haram al-Sharif.
C’est par là qu’entrerait, un jour, le Messie attendu par les Juifs – ce
qui semblait absurde étant donné que le Christ était déjà venu. En tout cas, la
porte restait habituellement fermée, puisqu’elle ne donnait sur rien d’autre
qu’un ravin – que les sapeurs de Saladin s’étaient appliqués dans la
journée à agrandir encore, de façon à y faire s’effondrer les murailles.
    Un mot de Taqi, et ils mettraient le feu aux nombreux
tonneaux de soufre et de salpêtre placés à des points stratégiques sous les
fondations. Le stratagème, s’il réussissait, permettrait d’ouvrir la ville à
l’est, et d’en offrir l’accès aux troupes de Saladin – qui passeraient sur
les débris des murailles, venus combler le gouffre au-dessous d’elles.
    — Attends notre retour avant de tout faire sauter,
suggéra Morgennes.
    Taqi rit de bon cœur :
    — La paix soit sur toi, mon frère ! Puisses-tu
réussir dans ton expédition !
    — Merci, mon frère.
    Les deux amis s’étreignirent une dernière fois, puis
Morgennes et Simon pénétrèrent sous la ville. À l’entrée de la mine, deux
gardes tués pendant leur patrouille témoignaient du récent passage des
mamelouks de Sohrawardi. Taqi et les siens les avaient alignés contre les
parois des galeries creusées dans le sous-sol de Jérusalem, qui serait leur
tombeau.
    Simon tenait entre ses mains la tête de Rufinus qui, apprenant
leurs projets, avait tenu à les accompagner : « Je saaaais oùùùù
mènent les souterraaains qu’ils ont trouuuvés ! »
    En effet, alors qu’ils creusaient de profondes tranchées et
les étayaient de contreforts auxquels ils mettraient le feu le moment venu, les
faisant s’effondrer, les sapeurs avaient mis au jour de très anciens boyaux,
aux parois décorées de dessins antiques. Beaucoup semblaient bien antérieurs à
la venue du Christ, et illustraient des scènes dont les héros étaient d’anciens
dieux : hippopotames à mains humaines portant des torches, nains à
crinière en guise de cheveux, femmes dotées de bras en forme de serpents,
chevaux sans tête debout sur deux jambes, chèvres dont les pis étaient
remplacés par des mains, androsphinx ricanants… À leur vue, les sapeurs
s’étaient empressés de baiser la main de Fatima qu’ils portaient en médaillon à
leur cou, et étaient repartis, le plus révérencieusement possible –
c’est-à-dire à toute allure.
    — Les souterraiiiins de la Mooooriah n’ont pas de
secreeeets pour mooooi ! ajouta Rufinus.
    La Moriah. Ainsi s’appelait la colline sur laquelle avaient
été bâtis le dôme du Rocher et, il y a fort longtemps, le Temple du roi
Salomon – où vivaient maintenant les Templiers. La légende disait qu’ils y
avaient découvert les plus sacrés des trésors de l’humanité, dont l’Arche
d’Alliance, et les Tables de la Loi. On racontait aussi qu’elle était si
truffée de puits et de galeries s’entrecroisant à différents niveaux qu’il
fallait sept jours pour la traverser de part en part, et qu’une vie entière
était à peine suffisante si l’on voulait en percer les mystères.
    — C’est le meiiilleur moyeeen d’entrer dans la viiille,
ouiiii, baragouina Rufinus. Maiiis c’est aussiii le plus dangereuuux, ça c’est
sûûûr… Il y a plein de pièèèges. Des puiiits sans fooooond, des pieeeeux
empoissoooonnés, des maaaléfiiiiices,

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