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Le Coeur de la Croix

Le Coeur de la Croix

Titel: Le Coeur de la Croix Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: David Camus
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tronquée dans ses bras. De les
voir ainsi chevaucher, tous les deux, dans la nuit, vers Jérusalem, Morgennes
se dit qu’il devait bien y avoir une parcelle de vérité dans cette croix. Puis
il s’en retourna à son tour vers la tente de Saladin, où le sultan allait
donner un dîner en l’honneur de Taqi.
    Le campement bruissait d’une rumeur qui disait que ce soir,
comme après la victoire de Hattin, Cassiopée danserait.
    Quand il voulut pénétrer dans la tente du sultan, des
mamelouks l’empêchèrent d’entrer.
    — Que se passe-t-il ? s’étonna Morgennes.
    Mais les mamelouks ne lui répondirent pas, ce qui réveilla
de pénibles souvenirs.
    Il rejoignit Simon, qui devisait sagement avec Massada et Rufinus,
sous les regards curieux des servants des mangonneaux de Saladin.
    Morgennes s’assit sous un olivier et contempla le ciel.
C’est alors qu’une dizaine de pigeons gagnèrent l’horizon, disparaissant dans
le couchant – que de gros nuages assombrissaient. Cette nuit lui rappelait
celle de sa fuite, trois mois plus tôt. Une colline, une pente, la lune, les
étoiles. Le décor était à peu près le même, sauf qu’il n’avait plus rien à
fuir. Sa mission était terminée. Rome allait recevoir la Vraie Croix ;
Jérusalem aussi aurait la sienne, le temps pour les secours d’arriver.
    Seule restait sa dette envers Saladin.
    Ensuite, seulement, il lui faudrait choisir son
destin : repartir en France avec Cassiopée et renouer les fils de son
passé, ou s’isoler dans un monastère – conformément à l’arrêt du tribunal
de pénitence des Hospitaliers. « À moins qu’Alexis de Beaujeu ne me sorte
de là », pensa Morgennes.
    Soudain, un homme vêtu de noir s’approcha :
    — Saladin te demande.
    L’homme, dans sa tenue si noire que la lumière des premières
étoiles se perdait dans ses plis, n’était autre que Taqi. Il avait changé de
vêtements.
    — Te voilà bien habillé, Taqi. Puis-je savoir en quel
honneur ?
    — Je repars au combat.
    — Je croyais que Saladin n’attaquait pas.
    — La situation est différente. Et puis, qui a dit que
mon oncle mènerait l’assaut ?
    — S’il ne conduit pas l’attaque, qui le fait ?
    — Toi, répondit Taqi.
    Morgennes le regarda, surpris.
    — Suis-moi, reprit Taqi en se dirigeant vers la tente
du sultan. L’heure est enfin venue de payer ta dette.

 
25.
    « Qui veut en effet sauver
sa vie la perdra, mais qui perdra sa vie à cause de moi la trouvera. »
    (Matthieu, XVI, 25.)
     
    — Vous ne me demandez rien d’autre que de vous donner
la ville, dit Morgennes.
    — Non, répondit Saladin, je te demande seulement de me
ramener mon fils ; et je t’offre aussi une chance de sauver les tiens.
Retrouve mon fils et j’épargnerai les Hiérosolymitains. Sinon, je les massacre
tous.
    Morgennes considéra gravement le sultan. Celui-ci était
assis en tailleur sur un tapis de soie persan et le dévisageait, le regard
clair, presque immobile. Sans les deux minces filets de larmes qui irisaient
ses joues, Saladin aurait pu être de pierre. Il avait le teint gris, les
membres figés, et ne parlait que du bout des lèvres.
    Il avait pris vingt ans.
    En fait, jusqu’à maintenant, c’était le cadi Ibn Abi Asroun
qui avait parlé pour lui, ou parfois Abu Shama, son conseiller.
    Saladin, lui, n’avait pu dire un mot. Sur son visage jouait
la lumière des bougies, qui se consumaient en silence et diffusaient une douce
lueur mordorée. L’air s’emplissait de vapeurs odorantes, s’élevant d’encensoirs
en or.
    — Pourriez-vous, je vous prie, me répéter les
faits – et me les détailler ?
    Le cadi Ibn Abi Asroun étudia Morgennes – à la
recherche certainement de ce qui avait permis à cet homme de survivre à une
telle succession de coups du sort. Il scruta le plissement de ses paupières
quand il réfléchissait, les rides de son front, la façon dont ses lèvres
s’écartaient pour parler ou dont ses joues accompagnaient le sourire,
l’affliction.
    — Alors que nous nous apprêtions à festoyer, commença
Ibn Abi Asroun, le sultan (la paix soit sur lui) s’inquiéta de l’absence de son
fils (la paix sur lui aussi). On ne l’avait plus vu depuis la fin du jour, juste
après la prière du couchant. Une escorte envoyée à sa tente revint sans l’avoir
trouvé, signalant seulement la présence de deux galettes de froment posées sur
son oreiller, et d’un mot – que voici.
    Le cadi se pencha,

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