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Le Coeur de la Croix

Le Coeur de la Croix

Titel: Le Coeur de la Croix
Autoren: David Camus
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tache
d’ombre qui oscillait au-dessus de Qoubbat al-Sakhra et semblait y tirer un
épais suaire de nuages orageux.
    — La peste soit de ma cousine ! s’exclama Taqi.
Incapable de rester en place, toujours à bouger !
    Il se précipita vers sa jument et demanda à ses hommes de le
suivre :
    — En route pour Jérusalem ! Et tant pis si des
Hiérosolymitains nous trouvent, nous les tuerons avant qu’ils n’aient le temps
de donner l’alerte !
    Poussant un cri, il éperonna les flancs de sa monture, et
galopa en direction des murailles. Taqi fulminait. Il se disait :
« Elle a dû surprendre notre conversation quand nous parlions dans la
tente de mon oncle… Elle n’a pas pu s’empêcher d’agir ! »
    Il laissait le tombeau de la Vierge sur sa droite, lorsqu’il
entendit :
    — Taqi ! Taqi !
    Cette voix ! C’était celle de Massada ! Mais elle
n’avait plus rien de triste, plus rien de rauque ni de mort. Elle paraissait au
contraire enjouée, jeune et vive. Taqi se retourna sur sa selle, et vit le
vieux marchand juif venir vers lui en claudiquant, aussi vite que ses deux
petites jambes le lui permettaient. Que lui prenait-il ?
    — Taqi ! Taqi !
    Taqi tira la bride de son cheval, lui faisant faire
volte-face afin de rejoindre Massada rapidement.
    — Qu’y a-t-il ? Parle vite, je suis pressé !
    — Je suis guéri ! Je suis guéri !
    Massada dansait et tournait sur lui-même, levant les bras
pour que Taqi vît ses doigts.
    Taqi appela l’un de ses hommes, qui portait une
torche :
    — Toi là-bas, viens par ici ! Éclaire-moi cet
individu !
    Le soldat du Yazak abaissa son flambeau vers Massada,
montrant à tous quel hideux visage il avait. Mais ce qui intéressait Taqi, ce
n’était pas qu’il fût malade : c’était qu’il le fût moins. Déjà, ses doigts
avaient rosi, et sur son visage ses plaies semblaient se refermer, ses lèvres
retrouver leur chair.
    — La barbe du Prophète ! s’exclama Taqi. Comment
est-ce possible ?
    — C’est Morgennes, dit Massada. C’est Morgennes. Il m’a
touché ! Il m’a pris dans ses bras et il m’a guéri !
    Taqi s’éveilla comme d’un long songe et dit à ses
hommes :
    — En avant ! Nous n’avons pas un instant à
perdre !
    Les hommes du Yazak se perdirent dans la nuit des murailles
de Jérusalem. Massada s’éloigna, divaguant, regardant les nuages s’assembler
dans le ciel.
    Le Juif ne le savait pas encore, mais il s’était converti.
     
    *
     
    — Touuuurnez à droooite, vociféra Rufinus alors qu’ils
arrivaient à une bifurcation, la neuvième depuis qu’ils erraient dans les
profondeurs de la ville, à la recherche d’un escalier leur permettant d’en
regagner la surface.
    Simon sentait le céphalotaphe vibrer dans ses mains à
chacune des paroles de Rufinus ; ce qu’il trouvait fort désagréable. En
outre, il était las et désorienté. Il lui semblait qu’ils tournaient en
rond :
    — Ne sommes-nous pas déjà passés par ici ?
demanda-t-il, inquiet.
    — Noooon, c’est la premièèère fois…
    Pourtant, ces visages, ces gravures, ces bas-reliefs, il lui
semblait les avoir déjà vus. C’était partout les mêmes processions de corps
immondes, prêtres humains d’un autre temps auxquels on avait joint, là une tête
de taureau, ici une tête de faucon, de chat ou d’ibis. Ils avaient les yeux
étonnement luisants, et toujours ces expressions dont on ne savait ce qu’elles
étaient le plus : terrifiantes ou terrifiées.
    — Rufinus, dit Morgennes, cela fait plusieurs heures
que nous tournons en rond. Es-tu bien sûr de savoir où tu vas ?
    — Certaaaain, fit Rufinus. Si c’est looong, c’est que…
    Mais il n’eut pas le temps de terminer sa phrase. Morgennes avait
aperçu, au sommet d’une pyramide de squelettes, une forme qui se détachait,
immobile et sombre.
    C’était une femme, entièrement vêtue de noir. Morgennes
marcha vers elle, écartant les ossements avec son épée. Crucifère brillait dans
l’obscurité, faisant reculer les ombres. Morgennes escalada la funeste colline
en s’aidant de sa lame comme d’un bâton, la fichant ici dans un crâne, là dans
une cage thoracique.
    Les squelettes étaient des plus inquiétants. Des reliquats
de vêtements étaient accrochés à leurs membres, et une mousse étrange –
végétation des profondeurs – tapissait leurs parties concaves. Des
filaments de couleur brune recouvraient en partie leurs os, s’agitant
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