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Le Coeur de la Croix

Le Coeur de la Croix

Titel: Le Coeur de la Croix Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: David Camus
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tombeau
de la Vierge…
    — Inutile, coupa Taqi. C’est nous qui te ferons entrer,
par un chemin connu de nous seuls et sur lequel nous sommes tombés par hasard, en
sapant les murailles. C’est là que nous attendrons ton retour. Et, si demain
matin tu n’es pas revenu…
    — Vous donnerez l’assaut, j’ai compris.
    En fait, ce n’était pas tout à fait exact, puisque l’accord
passé avec Balian d’Ibelin stipulait que la ville acceptait de se rendre si
Saladin renonçait à la piller. Le sultan avait demandé à Balian un jour de
réflexion, mais à la vérité sa décision était déjà prise : si son fils lui
était rendu vivant, il accepterait les conditions des chrétiens. Il épargnerait
ainsi bien des vies, d’infidèles et de Mahométans. Il ne restait plus à Balian
qu’à convaincre Héraclius et les bourgeois d’accepter les revendications de
Saladin : on parlait d’une rançon de dix dinars pour chaque homme, de cinq
pour chaque femme et d’un seul par enfant.
     
    *
     
    — Avance, et tais-toi !
    Un violent coup de pied projeta al-Afdal par terre, où il
s’écorcha les mains.
    Il se releva sans un cri, une fois de plus, en maugréant
intérieurement. Il n’avait pas prononcé un mot depuis qu’il avait été enlevé ;
et s’était promis de ne rien dire à ses ravisseurs. Jamais.
    Prétextant de le conduire chez son père, Malek (le propre
fils de Tughril) était venu le chercher avec un autre mamelouk de sa compagnie.
Puis, sournoisement, les deux hommes l’avaient assommé et transporté, dans une
caisse servant aux munitions, vers l’arrière du camp. Là, on l’avait ligoté,
bâillonné et revêtu du hijab, pour le déguiser en femme. Il avait marché il ne
savait combien de temps, dans une odeur fétide reconnaissable entre mille :
celle de Sohrawardi.
    Le vieil aveugle s’exprimait en grinçant des dents, ce qui
exaspérait al-Afdal. Le discours du mage était pareil aux stridulations des
insectes : à vous soulever le cœur.
    À ce propos, al-Afdal espérait que les hyènes auraient
grand-faim quand on les jetterait dans les rangs des magiciens retenus en
otages au Caire. À l’heure qu’il était, des pigeons avaient dû partir pour la
capitale, portant sous leur ventre l’ordre de les massacrer. Sohrawardi était
complètement fou.
    Après avoir longtemps marché dans la nuit, al-Afdal sentit
le terrain changer sous ses pas. Et, de meuble, se faire de plus en plus dur.
Ils étaient dans des souterrains. Les sons résonnaient différemment, l’air
n’avait plus la même texture, l’espace vibrait autour d’eux, renvoyant des
échos mystérieux. Parfois, il entendait un bruit étrange, venu d’un lieu situé
plus bas dans les entrailles de la terre : comme le son d’une flûte de
Pan, ou d’un autre instrument. Il eut la sensation qu’il devait être très
ancien, et se demanda si les autres l’avaient perçu. Où l’emmenaient-ils ?
Cherchant à y voir par les mailles du grillage qui lui couvrait le visage,
al-Afdal aperçut sur les murs des faciès monstrueux. Beaucoup exprimaient la
souffrance, le remords. Ils n’avaient d’humain que les yeux – le reste
était difforme, tourmenté. À l’agonie.
    Aux bruits de pas et de conversations, al-Afdal estima le
nombre de soldats à trois ou quatre, pas plus. Comme d’habitude, les mamelouks
qui se révoltaient étaient trop peu nombreux pour pouvoir réussir un véritable
coup d’État. Un jour, peut-être… Pour l’instant, deux d’entre eux devaient
guider Sohrawardi. L’autre, ou les autres, étaient chargés de le garder. Ce
n’était pas beaucoup, et al-Afdal se demanda s’il fallait s’en réjouir ou au contraire
s’en offusquer.
    « Si j’arrive à leur fausser compagnie, pensa-t-il,
j’ai une chance de m’en sortir… »
    Le problème était cette robe – qui l’empêchait de
courir – et ses liens, qui entravaient ses mains. Arrivés à un carrefour,
les mamelouks s’arrêtèrent. Ils semblaient perdus.
    — Alors ? couina Sohrawardi. Il n’y a
personne ?
    — Non, Votre Seigneurie, répondit Malek. Personne
encore. Faut-il attendre ?
    — Vous deux, allez voir par là-bas si Châtillon est
arrivé…
    Al-Afdal entendit deux hommes s’éloigner, leurs pas se
perdant dans un dédale de galeries. N’écoutant que son courage, il se rua du
mieux qu’il put sur le garde qui restait, de façon à le renverser. Surpris, le
mamelouk bascula en arrière et

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