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Le Coeur de la Croix

Le Coeur de la Croix

Titel: Le Coeur de la Croix Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: David Camus
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souffla-t-il en baissant la tête, je
vous prie de bien vouloir pardonner mon jeune âge et ma méconnaissance des
mœurs de votre pays. J’ai dû quitter ma patrie, où la guerre fait rage. Ma
peine est grande. Elle s’ajoute à celle que nous partageons tous de la perte de
la Sainte Croix, et cette douleur a débordé de mon cœur.
    — Nous comprenons, dit le pape en tapotant la tête de
Josias, et nous vous pardonnons. Relevez-vous.
    Josias se releva, mais garda les yeux baissés.
    — Nous n’ignorons pas ce que vous endurez, mais cela va
passer. Le temps fera son œuvre, et, s’il plaît à Dieu, nous retrouverons la
Sainte Croix et vous votre patrie. Mais aujourd’hui de grands sacrifices
s’imposent à tous. Quand on se bat contre le diable, il faut avoir Dieu avec
soi. Nous savons les reproches qu’on nous fait, à nous, ainsi qu’au Temple et à
l’Hôpital ; Guillaume de Tyr lui-même est venu demander à
Alexandre III d’abroger quelques-uns des nombreux privilèges que notre
vénéré prédécesseur Innocent II leur avait accordés par sa bulle Omne
Datum Optimum. Guillaume n’avait peut-être pas tort, mais ces ordres sont
utiles. Ils sont le bras armé de Dieu en Palestine. Ils sont la fureur divine
et la voix de Rome. Cela dit, de même que nous accordons aujourd’hui aux rois une
chance de se racheter, nous demandons au Temple et à l’Hôpital de prouver que
leurs récents échecs à Hattin, Séphorie et Casai Robert, n’étaient qu’un
accident, et que leurs privilèges demeurent mérités…
    Le pape s’interrompit, et fit comprendre à l’évêque de
Préneste qu’il souhaitait boire. L’évêque versa dans l’un des verres à pied
torsadé un peu de vin vermeil, et l’approcha des lèvres du pape, qui en but à
petites gorgées. Quand il eut terminé, il reprit :
    — Saint Bernard a dit : « Le chevalier du Christ
tue en conscience et meurt tranquille. » Tuer pour le Christ n’a rien de
criminel. Et dans les circonstances présentes, mieux vaut massacrer les païens,
les infidèles, que de prendre le risque de se laisser opprimer par eux… Bellum Domini, c’est la guerre du Seigneur, une guerre sainte. Et pour la mener
il faut des bataillons de guerriers saints. Ces guerriers saints, ce sont les
chevaliers du Temple et de l’Hôpital.
    — Leur pouvoir, cependant, dit Josias, est au-dessus de
celui des hommes et des rois.
    — Il n’est rien comparé au nôtre.
    — Ils sont de plus en plus puissants. »
    — Mais toujours à nos ordres.
    — Jusqu’à quand ?
    Le pape leva la main. Josias s’engageait sur une voie
hasardeuse pour quelqu’un de son âge, et de son rang.
    — Nous espérons que votre impertinence, votre jeunesse
et votre fougue réussiront là où la sagesse et l’expérience de Guillaume ont
échoué. Allez maintenant !
    — Je remercie Votre Sainteté de m’avoir accordé
audience, murmura Josias.
    Il s’apprêtait à se retirer, lorsque l’évêque de Préneste
éleva la voix :
    — Ce capitaine, Tommaso Chefalitione, que
fait-il ?
    — Il est au port, avec ma mère.
    — Et qu’attend-il pour repartir ?
    — Sa cargaison, très certainement.
    — Faites-lui savoir qu’il l’a trouvée, et qu’elle vaut
mieux qu’un chargement d’armes.
    — Puisse vous demander… ?
    — La voici.
    Josias vit alors sortir des ténèbres de la chambre un homme
d’une trentaine d’années, à la carrure impressionnante, aux cheveux noirs, à la
peau brune comme la sienne, vêtu à la mode orientale. Cependant, son visage,
aussi fin que celui d’une fouine, trahissait des origines perses. Il tenait
entre ses mains une arbalète d’un genre un peu particulier. Outre ses deux
plateaux, supportant chacun un carreau métallique, elle était en acier. Il
portait à la ceinture deux sabres, l’un court, l’autre plus long, qui luisaient
faiblement.
    Les yeux de l’homme, d’un bleu profond, se fixèrent sur
Josias, qui soutint son regard.
    — Cet homme est notre messager pour l’Orient, expliqua l’évêque
de Préneste. Il intervient dans les affaires les plus délicates. Nous tenions à
ce que vous le rencontriez. Nous l’avons chargé de porter une lettre bullée cum filo canapis aux ordres du Temple et de l’Hôpital. Il s’agit d’une
mission de la plus haute importance pour la Chambre secrète. Peut-être
serez-vous amenés à travailler ensemble…
    — Qui êtes-vous ? demanda Josias à

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