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Le Coeur de la Croix

Le Coeur de la Croix

Titel: Le Coeur de la Croix Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: David Camus
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l’Oriental.
    — Pour vous, répondit celui-ci, je n’ai pas de nom.
    — Il s’appelle Wash el-Rafid, dit l’évêque de Préneste.
C’est un Perse. Je l’ai recruté moi-même, lors d’un voyage en Palestine. Il
arrive du djebel Ansariya. Vous connaissez ?
    — Oui, dit Josias.
    Comment, en effet, ne pas connaître cette chaîne de
montagnes de sinistre réputation ? Elle grouillait de repaires d’une des branches
les plus honnies de la secte ismaïlienne des Batinis : les Assassins.
C’est alors que Josias se rappela que les petites galettes de froment, posées
sur la console du pape, étaient envoyées par les Assassins à leurs futures
victimes pour les prévenir qu’elles étaient entre leurs mains…
    Détail curieux, Wash el-Rafid portait sur la poitrine un
symbole, celui-là même que Sa Sainteté Eugène III avait accordé en 1147
aux Templiers, lors de la première réunion du chapitre général de leur maison,
« afin que ce signe triomphal leur soit un bouclier pour qu’ils ne fuient
devant aucun infidèle » : une croix vermeille, qui le signalait comme
Templier.
    Au moment même où le regard de Josias s’y arrêtait, Wash
el-Rafid se l’arracha d’un geste rageur et déclara d’une voix tremblante de
douleur :
    — Je ne suis plus digne de la porter. Tant que la
Sainte Croix ne sera pas retrouvée, mon vêtement demeurera aussi vierge que
celui des premiers Templiers.
    Puis il ouvrit le poing, et la croix vermeille tomba à ses
pieds, dans l’obscurité.

 
10.
    « Les habitants de la terre
se divisent en deux, ceux qui ont un cerveau, mais pas de religion, et ceux qui
ont une religion, mais pas de cerveau. »
    (Aboul-Ala al-Maari.)
     
    La carriole remontait la rue en bringuebalant, pareille à une
barque agitée par les flots. Circulant dans une mer de tentes aux teintes
bariolées, d’étals de marchandises autour desquels se pressait une foule
compacte, elle évoquait ces frêles esquifs qu’un courant défavorable entraîne
vers le large quand ils voudraient rentrer au port. Parfois, elle ralentissait
comme au creux d’une vague, tanguait de tous côtés, s’effondrait sur elle-même,
se perdait dans cette marée humaine, disparaissait quand des cavaliers la
frôlaient, puis réapparaissait pour aller de l’avant. On aurait pu croire
qu’une main invisible la tirait vers son but, inexorablement.
    Son propriétaire était un nain à la démarche claudicante, un
Juif exerçant la très lucrative et non moins périlleuse profession de marchand
de reliques. Bien sûr, il ne se donnait pas comme tel à qui venait le voir. Du
moins pas immédiatement. Très vite, pourtant, le masque du vendeur de souvenirs
tombait pour révéler le visage du trafiquant. À vrai dire, les deux se
ressemblaient. La seule chose qui changeait, c’étaient les prix. Telle flasque
pleine d’eau mélangée a de la poussière de craie valait dix dinars, ou cent
besants d’or quand il était dit, sous le sceau du secret, qu’il s’agissait en
fait d’un reste de lait de la Vierge, recueilli on ne sait comment. Le client, le
plus souvent un pèlerin sur le chemin du retour, se mettait à compter les
étoiles, les yeux écarquillés. « Le paradis à portée de main »,
pensait-il un sourire aux lèvres, en caressant la flasque. S’il discutait un
peu, il pouvait l’avoir pour trois cents dinars. Rares étaient ceux qui le
faisaient. Douter de l’origine des reliques était sacrilège pour la plupart
d’entre eux. Saint Bernard de Clairvaux en avait, dit-on, avalé tout un flacon.
Le liquide n’était pas censé être consommé, personne ne garantissant la bonne
conservation d’un lait plus de mille ans. Fort heureusement pour la chrétienté,
saint Bernard, grâce à sa forte constitution, en avait été quitte pour une
bonne colique, et quelques jours de prière dans la fosse d’aisances de
Clairvaux.
    Le commerce des reliques rapportait beaucoup mais sa
pratique n’était pas sans danger. En effet, ceux qui se livraient au commerce
des morceaux de corps ou des lambeaux de vêtements ayant appartenu à un mort,
ne faisaient rien d’autre qu’entamer le monopole des religions en matière de
salut. En quelque sorte, ceux qu’ils volaient, ce n’était pas leurs clients,
c’était l’Église elle-même, c’était Dieu.
    Aussi ce crime était-il sévèrement puni. Mais de diverses
façons. Car si aux gardes qui se montraient un peu trop tatillons on pouvait
donner un

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